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Channel: Arts Plastiques
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Claude dessinant, Françoise et Paloma, 1954, Picasso

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Tout paraît si simple dans cette peinture datant de 1954, si évident, si univoque, si précis et pourtant, elle est si profonde et si riche à condition d’en regarder la facture et pas seulement la composition.

On voit une mère avec son fils et sa fille dans une pièce éclairée par une fenêtre blanche. On peut se dire que Picasso a rapidement peint cette toile qui ressemble à une peinture d’enfant. Les traits sont gauches imprécis. L’ensemble fait plutôt penser à une gravure colorée…. Et pourtant, c’est bien une peinture de haute volée que Picasso nous livre avec Claude dessinant, Françoise et Paloma.

La mère est penchée sur ses enfants, elle les protège et les entoure. C’est un cadre dans l’image où se trouvent d’autres cadres comme la feuille blanche, où dessine Claude. Représentée par un cerne blanc, réserve dans la toile ? Peinture blanche ? Il nous faudrait la voir de près pour connaître la réponse. Mais ce qui est certain c’est que ce cerne définit les formes de la mère. Femme de lumière, dessin éblouissant sortant de l’ombre, elle cisaille la peinture, elle l’entaille pour lui donner une forme. Françoise est un dessin de lumière, une véritable photographie si on se penche sur l’étymologie de ce mot là. La mère est lumière incarnée dans cette peinture. Elle découpe l’ombre pour protéger ses enfants.

La fenêtre lumineuse à droite reprend les structures des tableaux de Vermeer. La page blanche où Claude trace un trait est également une percée lumineuse. Tantôt dessin de lumière, tantôt tracés d’ombre, les formes sont à la fois positives et négatives dans cette peinture qui se révèle à nous comme un cliché dans une chambre inactinique. La mère donne à ses enfants la puissance de ses contours.

Deux aplats de couleur bleue et verte encadrent les enfants. Cette mise en abyme de cadres met en scène le transgénérationnel. C’est l’histoire de la parentalité dont Picasso nous donne les clés dans cette peinture: la mère transmet la forme (cerne, contour) tandis que le père remettrait-il les couleurs (la matière, la vie) aux enfants ? La mère encadrerait, le père également mais de manière plus colorée, plus vivante. La peinture n’est-elle pas par excellence le récit de l’incarnation ?

La peinture devient langage puissant autant que le dessin sous les pinceaux de Picasso. Sa vision de la parentalité transcende la toile: on dirait que l’artiste s’est posé la question : de la transmission et de l’héritage.

Toutes les couleurs sont présentes, les couleurs primaires immatérielles vert et bleu mais il manque le rouge: la couleur du sang et de la passion.

La vie semble comme arrêtée suspendue dans cette toile où la chair ne s’incarne plus.

Dans le gris coloré du sol, une infime présence de couleur chaude redonne de la palpitation à la scène représentée par des couleurs tristes et froides.

En 1953, Françoise Gilot part avec ses enfants à Paris. On comprend mieux les états d’âme de Picasso au moment où il a composé ce morceau de Maître où la parentalité est au centre de ses préoccupations.

 

Comme autre interprétation possible: nous pouvons voir dans ces aplats de couleur la force vitale des enfants, comme l’a fait remarquer un collègue. Mais de qui l’ont-ils héritée ?



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