Les nouveaux programmes indiquent qu’il faut suivre une progression spiralaire ou spiralée pour les cours d’arts plastiques. Avant de commencer l’analyse de cette progression particulière, il est nécessaire de comprendre les deux termes: progression et spiralaire.
Une progression :
selon le dictionnaire Larousse:
- action d’avancer, de gagner du terrain
- action de se développer
- fait d’atteindre un niveau, un degré supérieur.
Du latin progressio apparenté à gressio (« marche ») avec le préfixe pro- devant, en avant.
La progression détermine l’idée d’un accroissement dans les apprentissages et les connaissances.
spiralaire:
En mathématiques, une spirale est une courbe qui commence en un point central puis s’en éloigne (ou s’en approche) de plus en plus, en même temps qu’elle tourne autour.
Une progression spiralaire:
C’est Jérôme Bruner qui introduit en 1960 l’idée de pédagogie spiralaire dans The process of education. « Selon Bruner, tout enseignement efficace doit absolument mettre en avant les idées générales, les principes, les abstractions et autres structures profondes. Ces principes ont mené Bruner à inventer la progression spiralaire, qui consiste à revenir sur les connaissances acquises précédemment en les enrichissant, en ajoutant à chaque fois des informations plus détaillées. » (1) Celle-ci demande:
- de commencer l’apprentissage d’un domaine ou d’une matière par des idées générales et abstraites ;
- de commencer cet apprentissage par un apprentissage intuitif, sans vraie formalisation ;
- de revenir régulièrement sur la notion à apprendre en l’enrichissant et en la formalisant un peu plus à chaque passage ;
- de complexifier et de spécialiser progressivement les concepts abordés à chaque passage. (1)
- Les curricula devraient, selon lBruner, être établis de façon spiralaire, en sorte que les élèves construisent de façon régulière sur ce qu’ils ont déjà appris.
- Curricula est le pluriel de curriculum dont létymologie nous ramène au terme cursus: cours, chemin
« Si l’élève dispose de trois années pour un cycle afin de développer ses compétences, l’enseignant se doit de penser les conditions et les modalités de la mise en œuvre de la construction et de l’acquisition des savoirs dès le début du cycle. » (2)
Les programmes précisent:
« Toutes les questions du programme sont abordées chaque année du cycle ; travaillées isolément ou mises en relation, elles permettent de structurer les apprentissages. Les acquis sont réinvestis au cours du cycle dans de nouveaux projets pour ménager une progressivité dans les apprentissages1 . »
Le cycle trois demande aux enseignants de primaire et du secondaire de penser une continuité pédagogique afin de permettre de meilleurs apprentissages car l’élève se situera dans un contexte cohérent.
Cette progression spiralaire ne demande pas de penser les séquences les unes à la suite des autres, sans forcément de liens entre elles sur une notion, un domaine ou une intention artistiques, mais incarne bien l’idée d’un cheminement progressif tout au long de l’année mais aussi tout au long des cycles. Les notions, domaines, intentions seront réexploités de manière de plus en plus fine tout au long de ces périodes.
Le contenu va s’enrichir progressivement, de la représentation initiale demandée en primaire pour aller vers plus de complexité à la fin du cycle 4.
Jérôme Bruner introduit l’idée de pédagogie spiralaire: « les curricula devraient être établis de façon spiralaire en sorte que les élèves construisent de façon régulière sur ce qu’ils ont déjà appris. La métaphore de la spirale signifie qu’apprendre est un processus continu qui suppose une reprise constante de ce qui est déjà acquis et une complexification progressive. La progression linéaire est impropre à exprimer que pour apprendre, les retours sur le déjà vu sont nécessaires pour aller plus loin. »
En effet, il n’est pas approprié de penser que si l’élève a vu une fois dans sa scolarité tel point du programme, celui-ci sera acquis une fois pour toute. Cette progression spiralaire suit le développement moteur, psychologique et cognitif de l’enfant tout au long de sa scolarité.
Comment reconnaît-on une progression spiralaire ?
Il ne faut pas confondre une progression circulaire qui amène les élèves à tourner autour du concept sans véritablement l’approcher, mais bien une idée de franchissement d’obstacles bien cernés pensés en fonction de leur développement, qui l’amènera à s’approcher de plus en plus du coeur de cette notion, domaine ou intention artistique. C’est voir une notion plusieurs fois et à chaque fois de façon plus complexe pour l’explorer sous toutes ses facettes. « Le spiralaire ressemble bien souvent comme un frère à du circulaire, c’est-à-dire qu’au lieu de progresser vers le concept, on tourne facilement autour sans progression véritable. »Jean-Pierre Astolfi dans L’École pour apprendre.
Une approche curriculaire est différente. C’est quand tous les objectifs et notions du programme sont répartis tout au long du cycle sans forcément être pensés dans le temps et à l’échelle de la scolarité.
Dans une progression spiralaire, une même notion est abordée sur les trois années du cycle, mais aussi des cycles, chaque fois avec davantage de complexité.
Il s’agit de mettre en cohérence les contenus, les compétences et les activités en tenant compte des particularités des élèves.
Comment penser une progression spiralaire ?
Il faut penser la notion de manière dynamique et essayer de relever les obstacles qui empêchent l’élève de s’emparer du concept. Par exemple prenons le cas de la ressemblance. Qu’est-ce qui empêche l’enfant de penser comme un artiste et de comprendre l’expressivité plastique de l’écart ? Qu’est-ce qui empêche l’enfant de comprendre l’incidence de la présentation sur la représentation ?
« Un premier obstacle, présent dès le plus jeune âge, tient à l’avis d’autrui, dans la mesure où cet avis diverge du mien. Il conviendrait mieux d’ailleurs de parler d’essaim d’obstacles, car il faut décomposer ce qui apparaît d’abord comme un tout.
1) Une première difficulté pour un enfant jeune est de prendre conscience qu’autrui peut faire autre chose que lui, cela ne va pas de soi et cela suppose d’écouter/regarder véritablement ce que dit et fait l’autre, puis de saisir qu’il y a divergence avec ce qu’il vient de dire ou faire.
2) Il ne suffit pas qu’une divergence soit perçue, il faut encore qu’elle soit ciblée. D’où les mises en commun.
3) Une fois la différence d’avis perçue et nommée, il faut encore apprendre à accepter de l’examiner, il faut renoncer au mouvement spontané qui pousse chacun à hausser les épaules devant un point de vue autre que le sien. » (3)
Exemple de tableau d’une progression spiralaire pour le cycle 3:
Ainsi cette progression mise en forme selon une spirale donnerait ceci:
Pour résumer l’exemple de cette progression en cycle 3:
Mais il faut bien comprendre que si la notion d’écart a été abordée en CM1/CM2, il sera nécessaire de réitérer l’expérience en 6ème afin d’approfondir la notion. Ce n’est pas parce qu’elle a été vue en CM1, que celle-ci ne doit plus être abordée dans les autres cycles. Mais à chaque fois avec un degré de complexité qui s’accroït.
Des questions ?
(2)http://artsplastiques.discipline.ac-lille.fr/documents/reconnaitre-progression-spiralaire-apl.pdf
(3)http://www.educ-revues.fr/DIOTIME/AffichageDocument.aspx?iddoc=39409
