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Les théories de l’apprentissage au service des arts plastiques partie 2

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« Au début n’est pas le verbe, encore moins la théorie. Au début est l’action », « c’est par l’action que commence la pensée » Vergnaud.

Au commencement, une fantasmagorie poétique  : 

Longtemps, en regardant mes élèves faire et produire dans les cours d’arts plastiques au collège, que je me suis dit que chaque problème ouvert qui leur était posé devait fonctionner comme un « voyage » dans leur système de représentations. Je faisais un parallèle avec les contes que j’avais pu lire dans mon enfance avec entre autres les figures du héros et du voyageur.

Le concept du monomythe de Joseph Campbell, certes très critiqué par les universitaires, peut, peut-être, nous aider à comprendre ce qui se joue dans l’élève lorsqu’il est confronté à une question à laquelle il n’y a pas qu’une seule réponse mais un champ de possibilités nouvelles.

Pour Campbell, le schéma que suivent ces héros est le même dans de nombreux mythes: Il avance que tous les mythes du monde suivent ce schéma, ce qui est une aberration. C’est la portée universelle qu’a affirmée Campbell qui est critiquée par les universitaires. (Lesley Northrup, Muriel Crespi, Alan Dundes qui voit en lui un vulgarisateur)

Mais cette progression qu’il a tracée du héros mérite qu’on s’y attarde…pour l’utiliser différemment.

  1. Un appel à l’aventure, que le héros doit accepter ou décliner. (problème ouvert)
  2. Un cheminement d’épreuves, où le héros réussit ou échoue. (explorations, expérimentations)
  3. La réalisation du but ou du gain, qui lui apporte souvent une meilleure connaissance de lui-même. (réinvestissement)
  4. Un retour vers le monde ordinaire, où le héros réussit ou échoue. (connaissances)
  5. L’utilisation du gain, qui peut permettre d’améliorer le monde. (wikipedia) (création)

Ce cheminement, me semble-t-il, ressemble fort au parcours de l’élève en classe lorsqu’il se heurte à ce type de questions.

Dans la littérature, cette progression est largement utilisée mais aussi au cinéma.

Je me suis inspirée de nombreux schémas résumant la pensée de Campbell pour produire une sorte de carte de cheminement de l’élève dont celui de Nancy Duarte. (cliquer sur l’image pour zoomer)

posture-eleve-face-probleme-campbell

 

Il y a deux principes qui s’opposent dans mon schéma: celui de la réalité avec l’intuition. L’intuition est un mode de connaissance, de pensée ou jugement, perçu comme immédiat (au sens de direct) ; c’est une faculté de l’esprit. La réalité est l’ensemble des phénomènes considérés comme existant effectivement. Ce concept désigne donc ce qui est physique, concret, par opposition à ce qui est imaginé, rêvé ou fictif.

Le cheminement de l’élève part de la réalité pour ensuite déclencher des facultés intuitives qui lui permettront de retourner à cette réalité mais cette fois-ci agrandie par les solutions qu’il aura trouvées.

La part de l’intuition est par exemple importante lorsque l’élève commence à tâtonner pour trouver des solutions aux problèmes posés. La phase de réinvestissement est plus ancrée dans la réalité car l’élève aura vu le champ des possibles et il pourra se les réapproprier.

Il est important de comprendre que dans ce cheminement à la fois ancré dans la réalité et l’intuition, l’appropriation et le changement, l’élève risque d’opposer des résistances. C’est alors que les interactions avec le monde vont l’aider à traverser cette épreuve qui remet en question ses systèmes de représentation.

Ce schéma n’est pas une tentative de ma part de faire entrer toutes les typologies d’élèves dans ce système mais d’en comprendre un cheminement possible.

La critique faite à Campbell est d’avoir voulu universaliser sa conception du mythe du héros à toutes les mythologies. Il ne serait pas souhaitable de plaquer ce schéma sur tous les élèves de la classe.

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Un article antérieur a précisé les modèles constructivistes, behavioristes et socio- constructivistes ici : 

https://perezartsplastiques.com/2016/04/14/les-theories-de-lapprentissage-vues-par-les-arts-plastiques/

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Les cheminements dans les apprentissages:

Pour surmonter la rencontre avec un problème ouvert, si on regarde le développement cognitif chez l’enfant selon Piaget, il est nécessaire que celui-ci soit parvenu au stade des opérations concrètes. « Avec l’expérience du monde qui s’accumule en lui, l’enfant devient capable d’envisager des événements qui surviennent en dehors de sa propre vie. Il commence aussi à conceptualiser et à créer des raisonnements logiques qui nécessitent cependant encore un rapport direct au concret. » Le cerveau

Pour Piaget, l’apprentissage consiste en une adaptation de nos schèmes de pensée à de nouvelles données du réel. Cette adaptation peut se faire de deux façons:

  • l’assimilation: consiste à interpréter la nouveauté selon des schèmes de pensée déjà existants.
  • l’accomodation: consiste à changer son système cognitif pour intégrer des nouveaux phénomènes ou objets.

Selon Piaget ces deux modes de pensée cohabitent lorsqu’on est confronté à la compréhension du monde.

Les élèves sont plongés dans un univers mythologique avec la télé, les séries, les films qui bien souvent sont bâtis avec le système de Campbell. (Starwars, Matrix, Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Lost, …). Cet environnement de médias façonnent les esprits et les postures.

« On peut dire que la télévision, dans ses rapports au savoir, et en conséquence à l’école, est un terminal cognitif autour duquel se focalisent des stéréotypes les plus divers et les plus contradictoires qui constituent le fond commun de l’expérience de la télévision en ce qu’elle a à voir avec nos facultés de percevoir, de comprendre, d’apprendre, car les médias et notamment la télévision constituent le milieu décisif dans lequel a lieu la perception et l’organisation cognitive de la réalité extérieure. (…) Cette dimension cognitive du terminal télévision peut être appréhendée de trois façons:

  • à travers l’imaginaire actuel de la télévision
  • à travers la diversité, socialement et culturellement située, des modalités de consommation télévisuelle
  • – à travers les modalités cognitives propres à la télévision » (1)

Un article du monde avec une vidéo explique la portée du monomythe de Campbell dans les films.

http://www.lemonde.fr/culture/video/2014/01/17/cinema-la-recette-du-heros-parfait_4347571_3246.html

Dans le schéma de Campbell, dans la phase 4, le héros rencontre le guide ou mentor qui va lui donner des conseils pour surmonter les épreuves. Dans la typologie d’un cours d’arts plastiques, ce sont les interactions avec le monde qui vont permettre à l’enfant de résoudre le problème ouvert, favorisant le travail coopératif.

Le schéma de la posture de l’élève face à un problème scientifique est structuré de cette manière :

probleme-sciences

 

Selon Kolb, il existe quatre styles d’apprentissages :

 

Les styles :

apprentissages

  1. Divergent (EC/OR ou concret, réfléchi) : est imaginatif, innovant, se base sur ses émotions, sentiments.
  2. Assimilateur (CA/OR ou abstrait, réfléchi) : aime les idées abstraites et les concepts, raisonne, préfère les théories aux personnes.
  3. Convergent (CA/EA ou abstrait, actif) : trouve des applications pratiques aux théories, prend des décisions, résout des problèmes.
  4. Accommodant (EA/EC ou concret, actif) : aime apprendre par expérience, manipulation, tâtonnement, partage avec les autres mais aime diriger. (source Edupass

« Si les technologies construisent la culture, elles sont tout autant construites par elles. (…) L’une des nouveautés consiste en l’interactivité que beaucoup de nouveaux médias permettent désormais. Qui dit interactivité dit activité : il est donc très probable, si l’on en croit Piaget, que les apprentissages résultant de l’utilisation de médias interactifs seront supérieurs à ceux des médias non interactifs. Selon le Monitor on Psychology de novembre 2007, une étude du Centre de recherche Pew menée en 2005 a montré que (…) Internet est en train de changer la manière d’apprendre des enfants américains. »  Jean RetschitzkiApprendre par les médias. (2)

L’apprentissage incident :

« Sur la base des résultats de leurs travaux ces auteurs ont proposé le concept d’« apprentissage incident », défini comme un apprentissage qui se produit quand un téléspectateur regarde la télévision pour se distraire et retient certaines informations sans les avoir cherchées. » (3)

Les jeux vidéos ont aussi leurs propres apprentissages: « À partir de ces expériences les enfants construisent des schémas, découvrent les attentes qui guident les perceptions, la mémoire et les inférences à propos du contenu. C’est ce qui permet de construire des stratégies pour gagner. » Gilles Brougère

Le monomythe de Campbell n’est certainement pas adapté pour englober toutes les mythologies mais son schéma peut nous éclairer sur les processus d’apprentissage des élèves consommateurs de films ou jeux vidéos basés sur celui-ci.

La notion d’apprentissage incident doit être pris en compte dans les cours que nous dispensons à nos élèves.

Cette posture de l’élève nous questionne sur nos méthodes pédagogiques et il apparaît que la pédagogie de la créativité est la plus adaptée.

La structure de l’apprentissage:

Il y a quatre paramètres qui définissent les apprentissages:

swot-1

Les apprentissages informels : (10)

Les apprentissages informels réflexifs : apprendre avec intention. L’apprentissage est ici conscient et volontaire.

  • Les apprentissages incidents, fortuits ou accidentels : la découverte à l’occasion d’une autre activité. L’apprentissage est ici conscient et involontaire.
  • Les apprentissages implicites : apprendre sans intention mais avec attention. L’apprentissage est ici inconscient et involontaire.
  • Les apprentissages professionnels informels : l’organisation apprenante. Les projets, l’apprentissage en ligne, l’apprentissage collectif, l’expérience, l’autoformation, le mentorat, le coaching, le jeu, les plans de développement de service, les communautés virtuelles, les groupes de co-développement, l’organisation apprenante sont repérés par ces deux auteurs comme autant de moyens d’apprendre.
  • Les apprentissages situés : le lieu porteur d’une culture d’apprentissage.
  • Les apprentissages nomades : l’influence de la technologie sur les apprentissages. Un nouveau lien se crée entre les apprentissages et les technologies qui transforment le rapport au temps, aux espaces, aux lieux et aux savoirs.
  • Les apprentissages expérientiels : l’expérience autorise les apprentissages informels. L’expérience est le plus souvent perçue comme mode de résolution de problème, comme moyen d’adaptation d’un individu à un environnement, comme prise de sens à partir des situations vécues. Le rôle de la réflexion sur l’action est mis en avant.
  • apprentissages-informels

La pédagogie de la créativité :

« D’un point de vue de la psychologie cognitive, la créativité pourrait s’analyser par le biais de la pensée divergente (générer le plus d’idées possibles) et convergente (évaluer ces idées et en retenir une). Du côté béhavioriste, il s’agirait d’observer le changement de comportement. En revanche, si l’on s’inscrit dans une perspective de la psychologie différentielle (Lubart, 2003), la créativité serait « la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste » » (4). L’émotion est une variable non négligeable du processus d’apprentissage et de la réussite scolaire. « Généralement, plus l’individu perçoit les compétences qu’il maîtrise pour atteindre un but, plus les émotions et les états physiologiques sont positifs, et inversement. Dans le contexte de classe, même si cet état émotionnel est une source intrapersonnelle sur laquelle l’enseignant n’agit pas, il peut toutefois s’interroger sur comment construire un environnement d’apprentissage qui favorise un état émotionnel positif chez les élèves ».(5)

L’endocept :

L’endocept, lorsqu’un concept est rattaché à l’émotion, est toujours présent dans la mémoire de l’élève : « la réactivation d’un concept, appris précédemment dans un tel dispositif, est censée remémorer à l’apprenant la performance par le biais de l’émotion et pouvoir ainsi remobiliser cet apprentissage dans un autre contexte. »(6)

endocept

On voit bien, avec le schéma du cheminement de l’élève face à un problème ouvert, que si celui-ci a associé un apprentissage avec une mauvaise émotion, lorsque l’endocept sera réactivé, cet élève sera gêné dans l’acquisition de nouvelles connaissances.

 

La mémoire de travail:

untitled-7

Les connaissances déclaratives renvoient à ce que nous connaissons. »La première mémoire, appelée mémoire déclarative, contiendrait les idées sous forme d’arrangements ou schémas {chunks)’, ceux-ci peuvent éventuellement être associés, dissociés, combinés, etc., pour former d’autres arrangements plus complexes et constituer ainsi un vaste réseau. » (8)

Les connaissances procédurales renvoient quant à elles à nos habiletés que nous savons exécuter d’après Anderson. « La représentation procédurale est conçue comme la forme, non accessible à la conscience, des «choses que l’on sait faire sans avoir besoin d’y penser». Les enseignants, pour leur part, ont l’habitude d’utiliser le terme habileté, et non pas connaissance, pour désigner ces structures opératoires. » (9)

La conscience pédagogique est le niveau de conceptualisation que se font tous les acteurs de la communauté éducative de la discipline. Par exemple les élèves, les parents mais aussi les collègues d’autres disciplines. C’est l’image plus ou moins précise qu’ils se font de celle-ci. Par exemple, le cours d’arts plastiques est un cours où on crée, où on fait marcher son imagination. Rares sont ceux qui précisent que c’est un cours où on fait des liens également avec des oeuvres artistiques dont on essaie de comprendre les processus. Plus les apprentissages seront ciblés (avec un endocept positif) plus la conscience pédagogique sera élevée.

Dans le schéma ci-dessous, c’est la dominante qui est pointée. (procédural/déclaratif).

untitled-9

 

Imaginons le cas d’un enseignant qui demande pour la première fois à des élèves de produire « le plus léger des carrés ». L’élève, dans un premier temps, va récupérer dans sa mémoire déclarative la figure du carré. Mais en ce qui concerne la légereté, il doit faire appel à sa mémoire de production pour répondre à la consigne. « Si le carré est léger, alors … » En effet, c’est par l’appariement qu’il va mettre en place la procédure pour répondre au problème posé. Mais s’il n’a pas stocké dans sa mémoire de production, c’est en cherchant dans sa mémoire déclarative des exemples d’objets légers dont il va pouvoir s’inspirer qui va lui permettre de répondre à la consigne. Sa production sera alors de l’ordre de la performance : l’usage du mot performance implique l’idée de résultat, de réalisation, de finalisation d’un produit.

Les trois types de connaissances:

connaissances

Posture de l’élève dans une situation modélisante et une situation problème :

 

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Heidegger dit que « le langage est  la maison de l’être« . Wittgeinstein écrit que: ‘’les limites de mon langage sont les limites de mon univers’’. “Ce qui n’est pas nommé, n’existe pas.” Ilhan Berk.

Le but d’un cours d’arts plastiques est avant tout, à la fois par la pratique mais aussi par le langage, d’accroître l’univers des élèves.

la-journee-eleve

La suite ici avec la progression spiralaire : cliquez en dessous …

La progression spiralaire

Danièle Pérez

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(1) Geneviève Jacquinot, La télévision, terminal cognitif, http://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1995_num_13_74_2779

(2) Retschitzki Jean, « Chapitre 10. Apprendre par les médias », Apprendre de la vie quotidienne, Paris, Presses Universitaires de France, « Apprendre », 2009, p. 131-142.(2)http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PUF_BROUG_2009_01_0131

(3) Jean RetschitzkiApprendre par les médias.

(4) https://edso.revues.org/174

(5)https://edso.revues.org/174

(6) https://edso.revues.org/174

(7) http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1998_num_122_1_1139

(8) (9) https://www.erudit.org/revue/rse/1997/v23/n2/031917ar.pdf

(10) https://www.cairn.info/revue-savoirs-2013-2-page-11.htm



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