Catherine Chanteloube est plasticienne intervenant entre autres dans les milieux scolaires où elle réalise avec les élèves, de l’école au lycée, des oeuvres d’exceptionnelle qualité. Elle a eu la gentillesse de répondre à mes questions au sujet de son oeuvre qui transfigure la matière. Poétesse de la texture, de la lumière et du blanc, c’est avec une grande finesse qu’elle conçoit ses oeuvres. Tout y est raffinement, hymne à la matière et souvent au blanc, tout y est élégance et pureté du geste. Véritable orfèvre de la texture et des matières, elle conçoit ses installations avec une précision extrême. Je vous invite à aller flâner sur son site qui vous donnera sûrement l’idée de nombreuses pistes pédagogiques.
Les images sont la propriété de l’artiste.
Bulles
coton amidonné
Ø 50 cm
Détail
Nautiles et ammonites
Coton, 90 pièces
« coton amidonné, singalette »
CC: L’utilisation du coton vient de la peinture…je préparais mes supports et j’étais arrivée à un point où le choix (son grain, sa finesse, sa couleur, son tissage) était primordial. Quand j’ai cessé de peindre pour aborder la sculpture, c’est la matière que j’ai choisie d’instinct.
J’achète du tissu chez un fabricant entre Roanne et Lyon (Ets Rauch à Tarare) qui fait des matières spéciales (tissu alimentaire, mode, couture…) aux noms dignes d’un roman de Flaubert : mousseline, singalette, bougran, tarlatane, batiste, avec puces ou sans….
La matière est importante car elle me permet de « faire » …si j’ai l’idée mais pas la matière, alors c’est compliqué car on ne trouve pas facilement du tissu qui correspond à ses attentes.
DP: Vous dites que la matière est importante pour vous ? Vous pouvez nous en dire plus ? Pourquoi est-elle primordiale à vos yeux ?
CC: La matière « coton » n’a pas plus d’importance qu’une autre dans mon travail, ce qui m’importe est de travailler avec des matières naturelles pour leur texture propre, leur odeur, leur poids dans mes mains, leur histoire… Par exemple, les fils d’arcade – en lin – longtemps utilisés sur les métiers à tisser Jacquard, n’existent plus. J’ai pu m’en procurer avant qu’ils ne disparaissent complètement. Pour « Ondulations », c’est un écheveau détressé que j’ai cousu ficelle par ficelle en gardant la particularité de la ligne, ce qui crée un bel effet de moire…
Quelquefois, l’idée prime et quelquefois c’est la matière qui permet à l’idée de prendre forme… Pour « Aquaviva », grande pièce de 5 m de long par 3.65 de haut (faite sur mesure pour être installée à l’Hôtel Huger, La Flèche, expo collective), il me fallait un tissu translucide, je voulais créer des ombres portées mais ceci grâce au tissu. J’ai utilisé de la singalette, translucide, et surtout chargée d’amidon (de maïs)…j’ai pu découper des formes dans des morceaux de singalette, puis déposer ces morceaux sur les lés de singalette… du bout des doigts j’ai mis un peu d’eau, donc réactivé l’amidon, et les formes se sont collées sur les lés…par superposition et transparence, et avec une lumière appropriée, j’ai pu avoir les ombres…dans lesquelles le visiteur se promène.
Pour les « Nautiles et ammonites » que vous avez choisis de montrer, c’est le même tissu : un tissu qui a une mémoire ! c’est chouette, non ? Le pli qu’on lui donne, il le garde. Ainsi, grâce à cette manière très intéressante, j’ai pu mettre à exécution mon idée à savoir créer des formes comme les exosquelettes. Grâce à un système de plis et de couture, je peux plier et déplier ces formes de coquillages…
En ce moment je travaille une série de pièces en perles de verre…et oui, des perles de rocaille mais qui datent de début XXème s et qui étaient destinées à la Haute Couture. C’est un don que j’ai eu et je ne peux faire autrement que de travailler cette matière (tellement belle) si particulière qu’est le verre. Etant donné la taille des perles je mets énormément de temps pour faire une pièce. Ma limite est celle de la quantité de perles puisque je ne peux pas en avoir d’autres. Comme cette matière est connotée couture, décoration, j’ai essayé de tirer vers autre chose…
Importante aussi la notion de sensualité de la matière…
DP: L’espace joue-til aussi un rôle fondamental dans vos oeuvres ? Celles-ci sont-elles crées pour un lieu donné ou sont-elles exposables partout ?
CC : Il y a le temps de conception et réalisation en atelier et le temps de la mise en espace, c’est comme avoir deux sortes de travail…
En découvrant la sculpture, j’ai découvert l’espace et cette relation physique avec le vide, la lumière, et aussi avec l’idée de créer une œuvre, un objet en même temps que son appréhension par l’autre…je veux dire qu’en pensant une œuvre, je pense obligatoirement à l’autre… par où le visiteur va passer : par ici, le long de, autour de, en dessous de, ou couché sous (c’est arrivé !). Je crée donc un cheminement dans mes expos mais pas de sens imposé. Chacun vagabonde et passe comme il le veut. « Nautiles et ammonites » est le bon exemple : on circule comme à l’intérieur de quelque chose (eau, ciel …) Dans l’installation « Sans titre », sacs de sel, je ne voulais pas que le visiteur passe…il ne passe pas et voit l’œuvre dans sa perspective.(voir photo Triennale de Tournai sur mon site)
Les pièces sont faites pour être exposées partout…mais quelquefois le lieu impose sa loi (enfin celle des monuments historiques).
« Nautiles et ammonites » ont été réalisés juste au moment où j’ai su que je pouvais exposer au Château d’Eau à Bourges (lieu magnifique, minéral, énorme, sans lumière naturelle, et construit en rond !)…ils ont trouvé le plus bel espace qui pouvait les recevoir.
Quelquefois je fais le noir complet (Château de Beaulieu Riorges 42) ou bien je ne mets pas du tt d’éclairage et laisse faire le soleil (Couvent des Cordeliers St Nizer sous Charlieu 42)
J’adapte mes installations au lieu, et du coup elles varient en fonction du lieu
DP: Qu’évoque pour vous le blanc si présent dans vos oeuvres ?
CC: « Je ne saurais dire pourquoi mais il m’attire ! Peut-être sa simplicité, son silence, sa pureté, sa luminosité … Il offre une multitude de nuances, il est riche, il est complet, il est spirituel !
J’aime le blanc du sel et du ciel ! »
Terre douce
lés de mousseline, terres, pièce électro-acoustique
« La vilaine »
ou « Pêcheur »
mousseline de coton
700 x 500 cm
Vous trouverez ci-joint un document pdf avec des oeuvres faites en milieu scolaire qui pourront vous inspirer.
