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L’art est-il ennuyeux ?

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De profundis clamavi, Baudelaire

« J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime,

Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé,

C’est un univers morne à l’horizon plombé,

Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème. »

Edvard Munch, dans Melancolie, représente bien cet ennui qui s’étend dans tout le paysage.

Quelles sont les marques de l’ennui ?

La tête penchée, souvent la main calant le visage, les yeux hagards, perdus dans le vide, le corps nonchalant comme harassé de fatigue, l’ennui est éreintant. Contrairement au rire ou aux larmes qui viennent d’un seul coup, l’ennui est sournois, il sourd dans notre esprit de manière insidieuse et indicible. On ne sait pas quand et comment l’ennui s’empare de nous et on ne sait pas à quel moment précis il nous quitte.

La jeune femme de Manet incarne bien cet ennui. La main gauche est molle sans tonus.

Le temps ne cesse de se dilater dans l’ennui, les secondes paraissant des heures. Le passé semble interminable et le futur indifférent. Rien ne peut venir distraire cet ennui. Rien ne le touche, ne le perturbe. Il y a dans l’ennui une sensation de solitude profonde qui le rapproche de la mort. Souvent les déserts de sable ou de glace incarnent symboliquement cet ennui.

Dali le montre bien dans ses montres molles de Persistance de la mémoire.

L’ennui a cette capacité de se régénérer lui même : plus on s’ennuie, plus vient l’ennui. « la toile d’araignée de l’ennui tapisse la continuation dans toute sa longueur, meuble tout l’entre-deux des instants » (Jankelevitch, p 873). La conscience temporelle se dissout dans l’ennui. « L’absence de toute cause est la vraie cause de l’ennui » Jankelevicth. En effet, l’ennui anéantit toute forme d’occupation voire de préoccupation, incarnant une perte du désir dans la conscience. L’ennui est inappétence.

Cette captivante toile de Giorgos Rorris, peintre grec, le représente bien avec ces nuances de gris colorés qui n’accèdent pas à la couleur. Des amas de peinture émaillent la surface de la toile. La lumière pourtant présente est comme suspendue au regard de la jeune femme.

Rorris Georges Γιωργος Ρορρης Tutt’Art@

 

Edward Hopper dans ses peintures représente bien l’ennui avec ses personnages et décors statiques. Automat, 1927

La jeune femme paraît tuer le temps dans un café. La masse de noir derrière elle assombrit l’expression absente de son visage.

Dans Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard, la jeune héroïne, Anna Karina, se promène sur la plage en jetant des cailloux et en répétant inlassablement « Mais qu’est-ce que je peux faire ? Je ne sais pas quoi faire ! »

 

L’ennui a gagné la jeune femme. L’ennui c’est quand on ne sait plus quoi faire, quand tout semble arrêté et figé, quand on se sent pris par un désintérêt profond qu’on ne peut pas maîtriser. Cette forme de lassitude anéantit toute volonté sauf peut-être celle de se plaindre.

« L’ennemi se déguise en l’Ennui
Et me dit :  » A quoi bon, pauvre dupe ? « 
Moi je passe et me moque de lui.
L’ennemi se déguise en la Chair
Et me dit :  » Bah, bah, vive une jupe ! « 
Moi j’écarte le conseil amer. » Paul Verlaine

Or l’art est désintéressé d’après les théories de Kant. L’art serait-il une incarnation de l’ennui ?

Peut-on s’ennuyer devant une oeuvre d’art ?

Les Details d’Opalka montrent des séries de chiffres peints à l’infini. Devant ces peintures, le spectateur est davantage saisi par le concept que par la réalisation elle-même. On peut se dire qu’Opalka a fait preuve d’une endurance sans borne pour réaliser ces oeuvres qui ne renferment pas de prouesses techniques si ce n’est cette minutie pour écrire les nombres.. C’est en envisageant le concept, matérialiser le temps jusqu’à la mort, que la totalité des détails prennent de l’ampleur. Pourquoi cette oeuvre d’art peut-elle provoquer de l’ennui ? La cause de l’ennui pour certains viendrait-elle du fait qu’il n’y a presque rien à voir ou alors est-ce devant le dispositif que le spectateur s’ennuie ? « La possibilité de s’ennuyer devant de telles œuvres ne disparaît pas, mais elle est contournée par une stratégie de réflexion sur le langage qui, en déplaçant le centre d’intérêt de l’œuvre, fait que, si l’on s’ennuie, c’est devant une idée plus que devant une réalisation matérielle. » (1) Le temps qui passe, sans accident, de manière linéaire dans ces détails, sans évènement, sans couleur, sans représentation, sans rien si ce n’est qu’une suite de chiffres, est-il celui de l’ennui ?

Piero Manzoni peint une série d’Achromes où seulement quelques plis viennent perturber l’espace de la toile. Dans cette quête de trouver le degré zéro de l’art, l’artiste propose une peinture sans couleur, sans histoire, où l’ombre réelle vient lézarder la peau du support blanc. La peinture n’a plus rien à raconter, que son épiderme ridé à montrer. Serait-ce le résultat minimaliste d’une figuration qui s’ennuie que Manzoni aurait voulu présenter ?

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En revanche, devant les clips d’OKGO, on ne saurait s’ennuyer tant les images son rythmées et séduisantes. « L’ennui est contré par la fascination. A tel point que devant certaines œuvres visuellement extrêmes, on redoute d’être l’otage de pulsions et de perdre toute liberté de jugement. Comme si notre sens critique était anesthésié par la violence ou la provocation. L’œuvre d’art peut ainsi jouer sur cette frontière ambiguë pour éviter d’ennuyer. Au risque cependant de se retrouver dépassée par de nouvelles œuvres plus violentes encore. L’ennui qui résulte alors de cette logique du pire n’en est que plus ravageur. » (1)

“L’excès engendre un sentiment d’ennui.” Edouard Manet. On remarque que le clip est composé de manière symétrique: la surprise vient davantage de l’effet de l’apesanteur que de la composition elle-même.. « La symétrie, c’est l’ennui ! » Victor Hugo.

 

Des artistes ont travaillé autour de l’ennui comme Sophie Calle qui a commencé ses filatures pour contrer celui-ci. La création est l’incarnation de l’ennui. “L’ennui fait le fond de la vie, c’est l’ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l’amour.” Unamuno. “Celui qui connaît l’art de vivre avec soi-même ignore l’ennui.” Erasme. « Je ne voulais pas retrouver mon ancien univers, mais je ne connaissais rien au Paris nocturne, au Paris des restaurants, des sorties. J’étais perdue, déprimée. Je n’avais pas d’amis. (…) Mais il fallait trouver quelque chose à faire. J’ai commencé par suivre des gens dans la rue. Je me suis aperçue que cela donnait une direction à mes promenades. Je me disais que j’allais découvrir des lieux, des restaurants, que je ne connaissais pas. C’était une manière de me laisser porter par l’énergie des autres, de les laisser décider de mes trajets pour moi. Et de ne pas avoir à prendre de décisions, sans pour autant rester cloîtrée chez moi. Circuler, découvrir ma ville. (…) j’ai commencé par prendre des clichés des gens de dos. J’ai ensuite noté leurs déplacements. (…) Il y avait les photos, les textes, – contrôler, perdre le contrôle, combler un manque d’émotions, en m’attachant ne serait-ce qu’une demi-heure à quelqu’un ». Sophie Calle

John Baldessari réalise une performance mettant en scène l’ennui.

«I will not make any more boring art» 1971

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https://vimeo.com/25452374

Telle une punition géante, Baldessari écrit des milliers de fois « Je ne veux plus jamais faire de l’art ennuyeux ». Pourtant, il n’y a rien à voir, la même phrase se répète inlassablement au risque de décevoir un regardeur curieux. L’art est réduit à sa plus simple expression: un voeu de l’artiste qui devient une performance: la matérialisation de l’ennui.

L’ennui est étymologiquement le déverbal de ennuyer, dérivé du bas latin inodiāre, formé sur l’expression in odio esse « être un objet de haine » du latin classique.

Gustave Flaubert s’était cru pendant longtemps le plus ennuyé des hommes : « Connaissez-vous l’ennui ? Non pas cet ennui commun, banal, qui provient de la fainéantise ou de la maladie, mais cet ennui moderne qui ronge l’homme dans les entrailles, et d’un être intelligent fait une ombre qui marche, un fantôme qui pense. Ah, je vous plains si cette lèpre-là vous est connue ! »

Bruce Nauman, en 1968, réalise Get out og this room, get out of my mind, et offre une pièce blanche à la vue avec une vague rumeur. Mais lorsqu’on entre dans la salle, on entend les murs murmurer et gronder en boucle deux ordres bien distincts: sortir de la pièce et sortir de son esprit. Bruce Nauman dénonce ce vide qui nous ronge. Il dénonce l’ennui en le mettant en scène. Le spectateur est pris dans un sentiment de malaise, une sorte de vertige existentiel car il s’est rendu compte que l’artiste s’est emparé de lui comme d’un cobaye. Le spectateur est mis dans la position de l’intrus contre son gré et cette voix s’échappant de ces murs résonnent comme une deuxième voix intérieure. Dans cette rencontre avec l’oeuvre d’art, le visiteur est vaincu par cette première. Il n’a pas le dernier mot et est bien obligé d’exécuter les sommations de l’artiste. Si l’art ennuie, c’est parce qu’il le décide et qu’il le revendique.

Jules Laforgue

Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau.

En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie.

 En bas la rue où dans une brume de suie 

Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.

 

Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,

Et machinalement sur la vitre ternie

 Je fais du bout du doigt de la calligraphie.

 Bah! sortons, je verrai peut-être du nouveau.

 

 Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.

 Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours…

 Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds…

 

 Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne…

 Bah ! Couchons-nous. – Minuit. Une heure. Ah! chacun dort !

 Seul je ne puis dormir et je m’ennuie encor.

Pour Banksy, l’enfance tue l’ennui.

Pour ceux qui s’ennuient vraiment, Endlesshorses vous permettra de vaincre ce désoeuvrement en cherchant la fin des pattes du cheval.

http://endless.horse/

Ou alors, pour tuer le temps, il suffit de diviser les cercles en autres plus petits afin de découvrir en fin de course cette image de koalas … par Vadim Ogievetsky. Un beau site pour expliquer la définition des images en informatique.

D’autres pensées du bistrot ici:

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Le beau est-il l’ennemi de l’art ?

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Le Beau dans l’art est provoqué par une sensation de plaisir lorsqu’on est confronté à une forme, des couleurs, des sons, des mouvements etc.

« Comme la beauté l’amour est présence. » François CHENG

Le Beau varie selon les époques et n’a pas les mêmes caractéristiques chez les artistes.

Pour Platon, c’est par l’Amour qu’on accède aux sphères du Beau. Kalos en grec veut dire harmonieux.

Dans le Banquet; il est écrit: qu’une action, en fonction de la manière dont elle se déroule peut devenir belle ou honteuse. « Prise en elle-même, une action n’est ni belle ni honteuse. Par exemple, ce que, pour l’heure, nous sommes en train de faire, boire, chanter, converser, rien de tout cela n’est en soi une belle action ; mais c’est dans la façon d’accomplir cette action que réside telle ou telle qualification. Lorsqu’elle est accomplie avec beauté (kalos) et rectitude (orthos), cette action devient belle (kalon), et lorsque la même action est accomplie sans rectitude, elle devient honteuse (aiskhron). »

L’idée de Beau est indissociable du Bien et du Vrai. Ajoutons également du Juste.

Dans les compositions artistiques, les détails participent au tout dont ils font partie selon des règles mathématiques et géométriques.

Pour Hume, le Beau est une affaire de jugement personnel mais régulé par des valeurs communes: « La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente »

Pour Kant, le Beau est ce qui plaît sans concept de manière universelle et de manière désintéressée.

À partir du XVIIème siècle (époque classique) établissant la tradition dans la culture française, les beaux-arts contiennent les quatre disciplines artistiques enseignées dans l’École des beaux-arts en France, à savoir l‘architecture, la peinture, la sculpture et la gravure.

Vers la fin du XIXème siècle, l’art est traversé par une crise durable visant à défaire celui-ci de son corollaire le Beau. Les artistes explorent d’autres voies que celle de la belle représentation. La crise des formes artistiques.

De nombreux critiques constatent parfois avec de forts arguments la fin de l’art : « L’art a atteint aujourd’hui une phase inédite d’épuisement, un épuisement caractéristique de ce moment que nous vivons et que d’aucuns nomme « postmodernité ». Eric COULON, philosophe. Puis il précise: « Ce que l’on nomme « art contemporain » serait à la fois le déclencheur, le fruit et le symptôme de cette crise générale de l’art. Crise du Beau mais aussi et surtout crise du Sens et de l’œuvre ; retour démesuré de la subjectivité et de ce que l’on appelle naïvement « liberté » ; course frénétique à l’innovation artistique ; règne de l’éphémère, du contingent mais aussi de la provocation ; valorisation et mobilisation éventées, insipide, inconsistante et souvent insignifiante du « concept » ; voilà quelques unes des déclinaisons de cette crise de l’art. »

L’homme n’est jamais prophète en son pays. L’art contemporain vu par les artistes des autres continents peut nous révéler la beauté que nous n’avons peut-être pas vue au moment où elle se déployait devant nous.

Chiho Aoshima, artiste japonaise ne nous donne-t-elle pas une nouvelle lecture des peintures de Jérôme Bosch ?

Zhang Qikai, artiste chinois réinvente un espace avec des changements d’échelle. Le panda peut nous apparaître enfantin et dénué de sens plastique. Mais cet animal est sacré en Chine et était offert aux autres pays lors des échanges diplomatiques.

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« La diplomatie du panda est une pratique utilisée par la Chine consistant à offrir des pandas géants en cadeaux afin d’entamer des relations diplomatiques avec un nouveau pays ou afin d’améliorer celles déjà existantes. Cette pratique, déjà utilisée sous la dynastie Tang (618 – 907), a connu son apogée sous la Chine maoïste. C’est à la suite de la formation de la République populaire de Chine en 1949 que l’expression « diplomatie du panda » a commencé à être utilisée1.

En Chine, le Panda est considéré comme un « trésor national » et lorsqu’il est offert, un tel cadeau ne peut se refuser. Cependant, sous la pression des environnementalistes, cette politique a officiellement cessé en 1984″wikipedia.

Ces peintures sont de vraies offrandes. L’art avec Zhang Qikai acquiert une portée diplomatique sous les doigts de l’artiste.

Zhou Yingchao ( artiste chinois, se réapproprie l’art du portrait en métissant culture chinoise et occidentale: les drapés sont plutôt de confection occidentale et les motifs de nature asiatique). Le rapport de la perception du vide et du plein atteint sa perfection.

Bien évidemment, l’artiste Yue Minjun propose une peinture caustique et monumentale.

Chang Lei, qui parle de propagande, se représente en eunuque parce qu’il dit que les hommes chinois n’ont pas les « balls for criticize », confie-t-elle, en anglais. Dans cette peinture, le mythe de Noé est revisité par l’artiste de manière magistrale.

Pareillement, il revisite les codes picturaux occidentaux et chinois dans l’art du portrait ainsi réactualisé.

MIAO Xiaochun dans ses oeuvres raffinées digitales relit les oeuvres du passé en offrant de nouvelles interprétations.

Une réadaptation du Jugement Dernier  de Michel-Ange.

« La vraie beauté est élan même vers la beauté, fontaine à la fois visible etinvisible, qui jaillit à chaque instant depuis la profondeur des êtres enprésence. » François CHENG

Mais partons en Afrique pour voir comment les artistes revisitent le genre du portrait.

Omar Victor Diop retravaille ses photos pour tendre vers l’abstraction.

« The Pied Piper » de Lebohang Kganye “Le projet “Ke Lefa Laka : Her-Story & Heir-Story” est une série de photomontages, de collages grandeur nature, mettant en scène les épisodes de vie du grand-père de Kganye au temps de l’Apartheid. Utilisant une tenue à priori masculine, Kganye interroge sa propre identité en rejouant l’histoire d’un homme qu’elle n’a jamais connu, au fil de décors lui ayant été décrits par sa grand-mère. » (1)

Elle explore l’histoire fictive en utilisant des archives pour fusionner des personnages illusoires avec de «  véritables  » personnages placés dans un nouvel univers. La question de la réalité et de la fiction sont au coeur de son dispositif, celle de la représentation et de la présentation. (Cycle 2, témoignage par les images, cycle 3 et 4)

Poku Cheremeh, le Ghanéen qui détourne des peintures flamandes pour en faire des œuvres 100% africaines (cycle 4)

Romuald Hazoumé renoue avec la sculpture de masques africains en détournant des objets de récupération. Ces masques sont saisissants de présence, presque magnétiques et tellement expressifs. Hazoumé a l’art de lire dans les objets tel un magicien des formes. (cycle 3)

Eddy Kamuanga Ilunga interroge la planéité et la profondeur dans ses portraits. Le regard ne peut saisir la totalité des informations hésitant entre les symboles et les figures, entre l’ombre et les tatouages. (cycles 3 et 4)

‘Reconnaissance’, 2016, acrylic and oil on canvas, 170 x 150 cm. Image courtesy the artist and October Gallery.

Eddy Kamuanga Ilunga, ‘Duty of Memory’, 2016, acrylic and oil on canvas, 200 x 200 cm. Image courtesy the artist and October Gallery.

« Les toiles luxuriantes de l’artiste congolais Eddy Kamuanga Ilunga dépeignent la réalité d’un groupe ethnique de République démocratique du Congo précipité dans la course folle engagée par le pays pour tirer profit de sa position de principal exportateur mondial de Coltan, un produit utilisé dans les circuits imprimés servant à la fabrication des téléphones mobiles, des ordinateurs et d’autres appareils électroniques. »(1)

Le Beau est protéiforme. Mais quand il est de surcroît mélangé à un propos de dimension sociale ou/et historique, il acquiert une profondeur sublime. Ces peintures ci-dessus sont à couper le souffle. Les couleurs, les compositions, les formes sont somptueuses. L’oeil n’est pas seulement flatté : il apprend à reconnaître que peut-être le renouveau de l’art, des Beaux Arts est en train de se confirmer dans les continents voisins.

En Inde, Rina Banerjee revisite l’assemblage avec ces compositions minutieuses et poétiques.

Jitish Kallat rend compte des mutations de la société indienne, mélangeant la BD à la peinture. (cycle 2, 3, 4)

Pushpa Kumari avec ces dessins somptueux interroge l’occupation de l’espace. (cycle 1)

Jangarh Singh Shyam dans ces réalisations surprenantes fait vivre la décoration magnifiquement. (cycle 1)

Le beau, dans l’art, a un bel avenir devant lui. Nous avons peut-être eu le tort de vouloir le dompter trop vite, de l’avoir terrassé trop tôt. Mais c’est avec force et conviction qu’il est à l’oeuvre ici avec des propositions parfois engagées et poignantes comme le sont les oeuvres de ces artistes africains, chinois, indiens. Non, le Beau n’est pas l’ennemi de l’art. Cette dimension presque morale dans le champ du visible est encore en acte dans l’art d’aujourd’hui. Les concepts, dans l’art, sont aussi résilients qu’en philosophie.

« Puisque la beauté est rencontre, toujours inattendue, toujours inespérée, seul le regard attentif peut lui conférer étonnement, émerveillement, émotion, jamais identiques. » François CHENG.

Relations au programmes:

Cycle 1:

La décoration

Cycle 2:

Le témoignage par les images. La narration visuelle.

Cycle 3:

L’écart dans la représentation

Cycle 4:

Le corps et l’espace dans les productions plastiques. La ressemblance, l’écart. La narration visuelle.

(1) http://www.scoop.it/t/art-africain-contemporain/?tag=Londres

Le Non-Beau peut-il être artistique ? Marcel Duchamp.

https://perezartsplastiques.com/2017/03/18/le-non-beau-peut-il-etre-artistique/

D’autres pensées du bistrot ici:

https://perezartsplastiques.com/les-pensees-du-bistrot/


Le non-Beau peut-il être artistique ?

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Le non-Beau, peut-il être artistique ?

Roue de bicyclette, 1913

Le Beau a tyrannisé les artistes jusqu’à Marcel Duchamp qui, dans ses productions et déclarations, a mis un terme à cette obligation esthétique.

“Le grand ennemi de l’art, c’est le bon goût.” écrit-il.

Marcel Duchamp davantage que questionner le laid, interroge le « non Beau » dans ses oeuvres. Il ouvre le champ vers de nouvelles esthétiques du non Beau, de cette absence de Beau qui n’est pas forcément laid.

Par l’étrange, l’inconvenant, l’imprévu, il propose des oeuvres qui « interrogent » pourtant paradoxalement le regard.

Torture-morte, 1959

« Le goût est une source de plaisir, l’art n’est pas une source de plaisir, c’est une source qui n’a pas de couleur, pas de goût » Marcel Duchamp montre bien ici l’aspect an/esthétique de l’art.

Il est trop hâtif de dire qu’il fait l’apologie du laid. Sa démarche est bien plus ardue : créer des oeuvres qui n’ont pas de goût, des oeuvres sans dimensions esthétiques est beaucoup plus délicat à faire.

Avec Duchamp, c’est une nouvelle direction qu’emprunte l’art. Celle de produire des oeuvres où le plaisir ne viendra pas de l’oeil mais parfois du concept ou de la mise en scène, d’un effet de surprise, d’un dispositif élaboré.

« L’art est une chose beaucoup plus profonde que le goût d’une époque. » Il crée des oeuvres intemporelles non formatées par les tendances de son époque.

« Un tableau, même abstrait, est de l’art dès qu’on accepte de le regarder. Un ready-made est de l’art.  » Quand Marcel Duchamp expose ses ready-mades, ce n’est pas pour ses valeurs esthétiques mais juste par un choix artistique. La neutralité dans le visible des ready-mades est fondamentale. Le choix devient un acte créateur uniquement motivé par la volonté de l’artiste.

« J’espère qu’un jour, on arrivera à vivre sans être obligé de travailler « . Marcel Duchamp prend position sur la question du travail dans les sociétés industrielles. Il propose une éthique de l’art pour contrer l’esthétique du Beau. « Comme le dit Pierre Restany, ce geste fait basculer d’un seul coup l’art de l’esthétique dans l’éthique.  » Voilà que se dévoile l’autre face de l’art. L’art est un problème moral lié à la conscience de celui qui l’assume en tant que tel  » . Duchamp fait passer l’art de l’esthétique des objets, à un art d’attitude, faisant de l’emploi de son temps, sa plus grande oeuvre d’art. » (1)

Marcel Duchamp se rebelle contre la tyrannie du visible. Pour lui, l’art n’est pas seulement rétinien. Il y a par exemple une dimension tactile et olfactive dans ses oeuvres où tous les sens sont présents.

Eau de voilette, 1921

Il n’est donc pas exact de dire que Marcel Duchamp invite à l’esthétique du Laid qui aurait été lui aussi rétinien !

D’autres pensées du bistrot ici:

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(1)http://www.artwiki.fr/cours/technoromantisme/duchamp.html

 


L’art est-il le miroir du temps ? Une fontaine centenaire …

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On peut se demander quelles relations l’art nourrit avec le temps. En effet, comment rendre visible quelque chose qui ne l’est pas ? On peut poursuivre cette recherche en se demandant si l’art a une vision passéiste ou au contraire en avance sur le temps. Mais comment savoir à un moment donné ce qui va s’annoncer dans le futur ? L’art serait-il médium ? On parle d’artistes visionnaires pour ceux qui ont su défier leur temps. Est-ce la marque du génie ? Kant partait du principe qu’il y a deux formes pures: l’espace et le temps. Le temps ne serait il pas le médium de la musique et non des arts plastiques ? Pour Hegel l’art est le reflet de son temps. Pourtant il a annoncé la mort de l’art … Le temps de l’art est-il toujours au présent ou doit-il se conjuguer au passé ? C’est la rupture de l’art avec le Beau qui a fait penser à Hegel que celle-ci sonnerait la fin des temps artistiques. Or l’épopée de l’art contemporain invalide ce postulat hégélien. « Le cas est particulièrement patent avec l’art surréaliste qui parfois n’hésite pas à représenter la laideur du réel à travers des œuvres réellement laides ! On ne peut pas dire que la pissotière de Marcel Duchamp soit spécialement esthétique… » écrit Jean Luc Berlet dans un article posté sur son blog : « L’art reflète-t-il son temps ». Le divorce avec le Beau opéré par Marcel Duchamp n’a pas ouvert la voie vers la laideur mais vers le Non-Beau de l’art. (voir article sur le non Beau dans l’art). « L’intention du ready-made, c’est de se débarrasser de cette idée du beau et du laid. On pourrait en faire cinquante par jour, mais ce n’est pas vrai. Si vous en faites cinquante par jour, vous verrez que dans trois ou quatre jours les cinquante commencent à vous plaire, donc le résultat n’est pas ce que je cherchais. » M.D. La crise du Beau dans l’art, conduisant au Non-Beau duchampien, ne serait-elle pas à l’origine de la matérialisation du temps humain dans l’art ? La Beauté et la Laideur en effet, ne seraient-elles pas le corollaire de l’éternité ? L’art est-il le miroir du Temps ?

Les artistes lisent-ils dans le marc de café ? « N’est-ce pas la caractéristique des plus grands chefs d’œuvre que d’anticiper ainsi sur l’avenir ? » Jean Luc Berlet. Les artistes visionnaires n’anticipent pas l’avenir : c’est à partir de leur chefs-d’oeuvre que l’histoire de l’art opère des changements. Les grands artistes sont plutôt les marqueurs de leur temps: ils influencent la courbe esthétique de leur temps. Picasso, (le philosophe le prend en exemple avec Guernica ), a changé le cours de l’évolution de la peinture. “Je n’évolue pas, je suis. Il n’y a, en art, ni passé, ni futur. L’art qui n’est pas dans le présent ne sera jamais. ” affirme Picasso. L’art est ancré selon lui dans le présent, en dehors d’une certaine manière du temps. Il est le temps qui passe, se régénère, évolue, mourant à chaque instant. On comprend mieux sa folie de peindre et son oeuvre considérable. L’oeuvre ne devait exister sous les pinceaux de Picasso que le temps de leur création. Ensuite, il devait passer à autre chose. Cette boulimie du faire explique la nature de l’art à défier le temps qui passe. L’art serait un écoulement de temps, une temporalité sans cesse en train de naître et de mourir simultanément. “Tout l’intérêt de l’art se trouve dans le commencement. Après le commencement, c’est déjà la fin.” précise Picasso. L’art est une renaissance infinie, sans cesse en train de se faire et de se refaire. Continuité oscillant entre le commencement et le recommencement, l’art serait une sorte de source, de fontaine s’écoulant inlassablement.

Marcel Duchamp choisit une pissotière qu’il nomme Fontaine. En un geste instantané, il choisit cet objet pour incarner la nouvelle voie artistique. Le geste est immédiat et radical. Mais cette pissotière n’est-elle pas une sorte de matérialisation d’une durée, d’un présent qui se répète inlassablement ? Exposée renversée, cette pissotière annoncerait plutôt la fin de l’éternité s’écoulant dans l’art depuis la nuit des temps.

Cette pissotière nous intrigue depuis longtemps. C’est en regardant Feuille de vigne femelle, (1950) du même artiste que j’ai vu comme une ressemblance formelle. Cette pissotière ne représenterait-elle pas le bassin d’une femme en position d’accouchement ? La signature R.Mutt dite à l’envers donne « Mutter » : la mère en Allemand. Marcel Duchamp n’aurait-il pas voulu d’un geste frondeur monter une sorte de nativité masculine ?

Le temps qui passe devient donc avec la perte du Beau et l’apparition du Non Beau duchampien un matériau plastique à part entière.

La Fontaine exposée à l’envers annule la perception de la fonction de l’objet. C’est tout l’espace qui est renversé. En effet, regardons la même photographie disposée dans des sens différents, c’est toute la perception de l’objet qui est changée.

Nous apprenons que la fonction d’un objet est indissociable de son orientation dans l’espace.

Sans l’apposition de la signature de Duchamp, l’inscription dans l’espace n’aurait pas eu lieu. Le geste artistique est minimaliste mais à lui seul place cet objet du quotidien dans le champ artistique. Sa fonction est anéantie. Sa fonction consistant à recevoir indéfiniment des jets d’urine et de l’eau est annulée. La pissotière ne coule plus : c’est le présent qui est arrêté par cette opération plastique. Cette pissotière est du même type qu’un arrêt sur image avec la puissance de la photographie. C’est un instantané.

« – Oui. Ça veut dire « tout fait ». Comme les vêtements de confection. Je suis arrivé à une conclusion, il y a assez longtemps. Il y a toujours quelque chose de « tout fait » dans un tableau : vous ne faites pas les brosses, vous ne faites pas les couleurs, vous ne faites pas la toile. Alors, en allant plus loin, en enlevant tout, même la main, n’est-ce pas, on arrive au ready-made. Il n’y a plus rien qui soit fait : tout est « tout fait ». Ce que je fais, c’est que je signe, simplement, pour que ce soit moi qui les aie faits. Simplement, j’arrête là, c’est tout. c’est fini. Ça semble un peu drôle, mais c’ est une conséquence naturelle, en allant au bout du raisonnement. » Cette précision de Duchamp ne veut pas dire qu’il suffit de déposer un objet dans un Musée pour qu’il devienne une oeuvre d’art. Nous voyons bien comment la pensée est à l’oeuvre dans Fontaine qui ne cesse d’être analysée par des critiques. « Une œuvre de Marcel Duchamp n’est pas exactement ce qu’on a devant les yeux, mais l’impulsion que ce signe donne à l’esprit de celui qui le regarde. »

Marcel Duchamp réalise également son élevage de poussière qui montre plutôt cette fois-ci la sédimentation du temps. La durée est le principe moteur de l’élevage de poussière.

Élevage de poussière Crédits : Man Ray et Marcel Duchamp, 1920

 

Dans le Grand-Verre, (1915-1923), Marcel Duchamp met en scène une narration visuelle. L’oeuvre suit un cheminement narratif complexe où chaque détail participe au tout. L’oeuvre est composée en deux volets qui se répondent. Cette histoire n’est pas celle d’un roman mais d’une fiction plastique où chaque élément joue un rôle particulier.

« L’art est un jeu entre tous les hommes de toutes les époques. » Marcel Duchamp.

Le temps dans l’oeuvre de Marcel Duchamp prend toute son ampleur. Il défie le temps, le moule, l’incarne, le laisse filer, l’interrompt brutalement, le contemple, le répète, l’écoute, le sent, le transpire, le vit tout simplement. Comme disait l’artiste, c’est au spectateur de décider la postérité des oeuvres d’art. Pour Marcel Duchamp, l’éternité n’a pas le temps…

La Fontaine de Marcel Duchamp fête son centenaire ! Longue vie à la fontaine !

D’autres pensées du bistrot ici:

https://perezartsplastiques.com/les-pensees-du-bistrot/


La conscience disciplinaire vue par les arts plastiques

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Comment les acteurs et usagers de l’école s’imaginent-ils les cours d’arts plastiques ? Cette représentation intérieure véhicule ce que nous transmettons de manière forte à nos élèves, à leurs parents, à nos collègues, aux chercheurs, etc. Les élèves, une fois adultes, endossent de nouvelles fonctions ou tout simplement en devenant parents, vont participer à cette édification de systèmes de représentation d’un cours d’arts plastiques. Mais plus qu’une représentation, le concept de « conscience disciplinaire » peut nous permettre d’identifier ce que nous avons réussi ou au contraire pas assez investi dans nos cours. C’est un précieux indicateur.

Le concept de « conscience disciplinaire » a été forgé par Yves Reuter. « J’avais proposé de définir la conscience disciplinaire comme la manière dont les acteurs sociaux, et plus particulièrement les acteurs scolaires, (re) construisent les disciplines scolaires. » écrit-il dans son article La conscience disciplinaire. Cette conscience touche à la fois les usagers, les élèves mais aussi les parents, les collègues des autres disciplines. « La conscience disciplinaire désigne la manière dont les acteurs sociaux et plus particulièrement les élèves (re)construisent les disciplines scolaires. » Un tout petit élément de cette citation est frappante: pourquoi écrire (re)construire ?

Mais tout d’abord: qu’est-ce qu’une discipline ?

Une discipline scolaire est une construction sociale organisant un ensemble de contenus, de dispositifs, de pratiques, d’outils, articulés à des finalités éducatives en vue de leur enseignement et de leur apprentissage à l’école. (REUTER)

« Les disciplines sont l’objet de constructions au travers de luttes, de compromis, et d’adaptations » Y. Reuter (1)

Il s’agit de mesurer l’écart entre les visées et finalités des disciplines avec les constructions et représentations qu’ont les élèves de celles-ci: limites, freins, enjeux, objectifs, contenus, etc

Reuter a étudié durant de longues années ce concept de « conscience disciplinaire » dans différents milieux (favorisés et défavorisés) appliquant différentes pédagogies (Freinet) autour des sciences, des maths et du français.

Les élèves en cours suivent nos procédures et, lentement, se forgent une image de cette discipline en fonction des gestes, de toute nature, opérés durant celui-ci. Cette (re)construction peut être sommaire comme très élaborée.

Reuter a constaté que bien souvent des enfants du primaire avaient une réelle difficulté à caractériser les disciplines. « Le cas le plus frappant, mais aussi le plus récurrent, est sans doute celui du français comme discipline où il s’agit de « baratiner ».  Le cours d’arts plastiques peut être vu comme un cours où on fait n’importe quoi. C’est bien ce n’importe quoi que j’ai entendu à de nombreuses reprises à la fois par les étudiants mais aussi par des collègues du secondaire lorsque nous travaillions dans les années 1998 de manière pas assez sctructurée. A cette époque, nous devions proposer des « incitations ouvertes » et la notion de réinvestissement n’existait pas. Bien souvent, les essais effectués par les élèves finissaient à la poubelle, d’où ce n’importe quoi. Aussi, on pouvait entendre dire « plus c’est moche, plus le prof aime ! ». Est-ce la « conscience disciplinaire » qui était à l’oeuvre dans ce « n’importe quoi » ou ce « moche » ou alors ne serait-ce pas une sorte « d’inconscience disciplinaire » ? Autre exemple flagrant, combien de collègues nous tiennent encore pour des professeurs de dessin ? N’a-t-on pas été souvent sollicités pour faire une affiche, un décor de théâtre, des illustrations et j’en passe … Quelle image bien réelle, concrète et non pas fantasmée donnons-nous à nos collègues ? D’où vient cette part de fantasme : de notre enseignement ou alors de ce qu’ils ont reçu comme enseignement des arts plastiques quand ils étaient enfant ?

Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

La conscience disciplinaire se mesure à partir de trois axes:

  1. Les contenus appris dans telle discipline
  2. Les modes de repérage des disciplines par les élèves (de quels indices ils se servent pour identifier la discipline).
  3. Les fonctions ou finalités qu’ils attribuent à telle ou telle discipline (2)

Les étudiants de M2 Master MEEF, ont répondu ainsi à ma question:

« Que représente pour vos élèves un cours d’arts plastiques ? ». Sans hésiter ils ont répondu :

– un cours ou on dessine, quelque chose d’amusant, du plaisir, c’est peindre, faire travailler son imagination, créer, un moment de compétition entre les élèves, se sentir valorisé pour ceux qui ne le sont pas dans les autres matières, faire plaisir, essayer de faire plaisir à l’enseignant et aux parents, montrer sa production savoir si c’est bien, on peut faire ce qu’on veut sans trop de contraintes, on fait ce qu’on a envie de faire, où on peut se salir, jouer avec la matière, la liberté.

Il est intéressant de remarquer que les actions précises sont mentionnées: « dessiner, peindre » mais curieusement manquent les expériences en volume … Ce point devrait nous alerter. A aucun moment, il n’est mentionné le rapport à la culture, le rapport aux savoirs ni l’étendue des pratiques. Mais aussi on peut remarquer que l’envie, le plaisir, la liberté sont bien présents. Comment distinguer alors un cours d’arts plastiques d’une activité de loisirs ?

Puis, en affinant ma demande, toujours avec ces étudiants de M2 MEEF, je leur ai demandé ce qu’un cours d’arts plastiques représentait pour eux mais cette fois-ci en tant que futur PE:

« Un moyen de s’exprimer, voir la particularité de chacun des élèves, un moment de partage et d’échanges, moyen d’amener les élèves vers la culture, un moment de liberté : ils peuvent faire ce qu’ils veulent, être plus libres que dans les autres matières, on met les élèves en position de recherche, ils construisent leurs savoirs, on s’amuse aussi, on travaille la verbalisation de sa production, un moyen d’évaluer la sensibilité des élèves, mettre en avant sa sensibilité, découvrir d’autres pratiques, liberté, une ouverture vers les oeuvres d’art »

Quand on confronte ces deux points de vue, on peut tirer quelques conclusions:

  • l’impact culturel de notre discipline est encore flou: la relation pratique/références artistiques n’est pas mentionnée.
  • les usages du numérique sont totalement absents. Les pratiques contemporaines également.
  • un moyen de s’exprimer: est-ce suffisant ? Le cours d’arts plastiques n’est pas qu’un cours d’expression. C’est un cours où l’élève prend conscience qu’il peut, avec un langage qui a ses codes, son histoire, ses perspectives, exprimer ses idées autrement qu’avec des mots.
  • En revanche, mettre les élèves en position de recherche a bien été perçu par de nombreux étudiants. La démarche plastique a bien été comprise. Il reste à travailler le lien pratique/oeuvres artistiques.

Le moyen d’évaluer une sensibilité d’élève intrigue … Est-elle évaluable ?

Nous remarquons que les finalités d’un cours d’arts plastiques ne sont pas bien représentées par les étudiants.

« Les objectifs et finalités des disciplines sont, comme je l’ai signalé précédemment, moins bien perçus que les contenus. »Reuter.

Mais partons maintenant des paroles d’enfants de CM2 récoltés durant une visite de stage:

Que fait-on en cours d’arts plastiques ?

« Un cours de dessin », savoir plus sur autre chose, sur les oeuvres des artistes, de reconnaître comment ils font : la forme, on fait du travail manuel, on fabrique des choses en volume, on travaille en groupe, on dessine, on réalise des affaires que Madame nous dit, on réalise et on s’exprime, on met des couleurs, on découpe, de la peinture, on discute de ce qu’on a fait,

Des dessins, on essaie de réaliser notre idée en art, on peut peindre, on se repose car les autres matières sont fatigantes, on peint, on dessine, on fait des choses , on dessine. On construit des choses en volume, on se regroupe autour d’une table et on discute pour mieux comprendre ce qu’il faut faire. On crée, on essaie d’inventer de nouvelles choses, on apprend ce qu’est de l’art, on apprend à faire de l’art,

On voit bien que les élèves de cet enseignant débutant ne sont pas encore rompus aux problèmes ouverts mais qu’ils ont reçu cependant un questionnement tout au long de l’année. « On réalise ce que Madame nous dit » en est l’illustration. Mais, j’endosse le rôle de l’avocate, ce professeur n’a eu que peu de temps pour instaurer une nouvelle pédagogie dans sa classe et il s’avère que les élèves ont été modélisés durant des années par des cours à la manière de ou des situations modélisantes. Les réponses de ces élèves montrent un premier pas vers le questionnement plastique. Notons également que l’idée de compétition est totalement absente chez les enfants. Voilà une projection erronée que se font certains étudiants du dispositif socio-constructiviste de notre disdipline que les élèves ont bien compris : ils s’agit de construire ensemble des savoirs et des apprentissages sans souci de performance ou de compétition.

C’est quoi l’art ?

C’est quand on commence par des principes puis on essaie de faire quelque chose avec.

Un cours d’arts plastiques : ça sert à quoi ?

A s’amuser, à apprendre à faire des dessins, à réaliser des affaires, ça sert à savoir ce qu’on va faire (à quoi ça sert de discuter ? )

Si on veut mettre quelque chose dans un musée, le cours sert à ça

Pour apprendre à dessiner, ne pas dépasser, à peindre, à faire du volume,

Ça fait travailler la mémoire : ça nous fait réfléchir pour réaliser nos travaux. on réfléchit quand on réalise, quand on dessine

A mieux peindre, de s’amuser,

S’amuser, à faire des choses pour la classe, à créer,

Les élèves ont des réponses variées où se mêlent à la fois la conscience d’un ou des apprentissages mais ils sont encore comme prisonniers de clichés tels que dessiner sans dépasser, le dessin comme moyen essentiel de la discipline. Mais certains d’entre eux ont déjà une vision culturelle de la discipline … donc de l’art. D’autres sont encore affectivement liés à leur Professeur quand ils répondent qu’ils produisent des choses pour faire plaisir à la maîtresse. Le plaisir revient de nombreuses fois dans ce qu’ils perçoivent de la discipline. Il faut remarquer que leur conscience disciplinaire est bien élaborée pour des élèves de CM2. Nous voyons bien que la volonté de faire plaisir à la maîtresse vient en premier et qu’ils ne pensent pas, comme l’ont imaginé les PE quand je leur ai posé la question, à leurs parents. La relation au maître est fondamentale.

Ce qui est intéressant dans ce concept de conscience disciplinaire c’est que celle-ci est le résultat d’une construction (réitérée) à la fois interne et externe. Interne dans le sens qu’un élève se construit tantôt seul et externe lorsqu’il est en connexion avec les autres, le contexte, le milieu environnant. De plus, chose que ne permettait pas la « représentation » disciplinaire, la conscience disciplinaire peut comporter différents degrés ou niveaux s’affinant au fur et à mesure du cursus de l’élève. « la notion de conscience disciplinaire insiste sur le fait que le « sujet didactique » ne se constitue véritablement qu’en tant qu’il est conscient du cadre disciplinaire où il s’inscrit et qu’il construit ses pratiques et les évalue à l’aune de ce cadre. » . C’est un concept dynamique et non statique comme c’est le cas dans la représentation.

Reuter dans son article précise bien cette dimension croissante de la conscience disciplinaire mais à aucun moment il n’évoque ce que je voudrais appeler « l’inconscience disciplinaire ». Lorsque l’élève subit son cours d’arts plastiques, il génère du refoulé qui tôt ou tard va rejaillir sur sa conscience de la discipline.

Par exemple, l' »endocept », cette manière d’articuler et de réactiver émotion/apprentissages est quelque part lié à l’inconscient.

Autre exemple, sommes-nous toujours conscients de nos sources quand nous sommes confrontés à la création ?

Pour ma part, l’inconscient disciplinaire est également à l’oeuvre dans nos représentations de nos disciplines.

On pourrait même avancer l’idée du « refoulement » disciplinaire … Mais là, commence la psychanalyse qui n’est pas au centre de cet article.

Par exemple, la façon de morceler le cours d’arts plastiques en phases assez courtes de pratique puis des mises en commun ne génère-t-elle pas du « refoulé » chez l’enfant obligé d’interrompre contre son gré alors qu’il est en pleine phase de découverte ? J’ai vu une Professeure des Ecoles Stagiaire interrompre au bout du timing qu’elle avait élaboré les élèves qui étaient tous bien plongés dans leurs investigations plastiques …

Par exemple lors des mises en commun, ne crée-t-on pas du refoulé chez l’élève qu’on interrompt car il reste trop descriptif dans son analyse de son travail, perturbé par le besoin urgent de voir apparaître le vocabulaire de notre matière ?

La conscience « au sens psychologique, se définit comme la « relation intériorisée immédiate ou médiate qu’un être est capable d’établir avec le monde où il vit ou avec lui-même ». En ce sens, elle est fréquemment reliée, entre autres, aux notions de connaissance, d’émotion, d’existence, d’intuition, de pensée, de psychisme, de phénomène, de subjectivité, de sensation, et de réflexivité. »Wikipedia.

« En psychologie, l’inconscient désigne les phénomènes inaccessibles au champ de la conscience. » idem.

Sommes-nous certains de ne proposer aux élèves que des phénomènes accessibles directement et instantanément à leur conscience ?

« Le refoulement est « un processus supposé par moi et je l’ai considéré prouvé par l’existence indéniable de la résistance » écrivait Freud dans son livre Cinq leçons sur la psychanalyse. Pour la psychanalyse, le refoulement est vu comme un mode de défense privilégié contre les pulsions. Le refoulement est l’opération par laquelle le sujet repousse et maintient à distance du conscient des représentations considérées comme désagréables, car inconciliables avec le Moi. » wikipedia.

Le mécanisme du refoulement consiste à rejeter dans l’inconscient des émotions, des affects ou des représentations afin de protéger le Moi de l’individu. (3) Tout le monde met de côté consciemment ou inconsciemment des souvenirs générateurs de déplaisir ou d’angoisse … c’est un mécanisme de défense mis en place par l’individu pour garantir la préservation du Moi.

Il peut exister en effet un « défoulement disciplinaire » en arts plastiques. En effet, je l’ai constaté plus d’une fois chez certains élèves ayant reçu une éducation classique qui avaient beaucoup de mal à se lancer même au collège voire à l’Université, dans des pratiques contemporaines. Pas exemple refuser d’utiliser des aliments dans leurs productions « c’est du gâchis ! », refuser d’installer des objets dans l’espace « c’est n’importe quoi, l’art c’est le dessin, la peinture, etc ».

Et bien souvent, ces élèves s’autorisant enfin à pratiquer de la sorte car en ayant atteint le sens, se révèlent être extrêmement productifs une fois ces barrières tombées.

Photographies de Robert Doisneau, célèbre photographe de génie qui savait prendre de fabuleux instants de vie.

Cette conscience disciplinaire est importante car Reuter la pointe : elle peut être le révélateur de la réussite ou de l’échec scolaire …

La lecture de cet article devrait permettre de faire le point sur notre discipline afin de voir ce qui est perfectible, ce qui est juste, ce qui est assimilé par les élèves dans nos classes. A mon avis, la prise en compte de « l’inconscient disciplinaire » devrait nous permettre d’élaborer des outils pour réduire cet écart existant entre les finalités de notre discipline et ses représentations. Reuter remarque que le sens fait souvent défaut dans les représentations disciplinaires …

A la question posée aux étudiants de M1 Master MEEF:

C’est quoi ce fameux sens ?

-On apprend que tout le monde est différent, qu’il y a différentes interprétations, que tout est important quand on crée, Les mises en commun mettent du sens aux productions. C’est le sens de cette culture artistique, passant par la pratique qui jaillit dans les mises en commun. Par la suite, les élèves pourront réutiliser leurs connaissances et analyser les oeuvres d’arts parce qu’ils auront les outils conceptuels pour les comprendre. 

(Le sens commence à être présent mais la question centrale est la suivante: comment créer du lien entre les élèves avec ces positions et sensibilités différentes ? (respect de l’autre, tolérance, écoute de ses camarades, ne pas accepter les préjugés, apprendre à voir différemment))

-Un moyen d’expression de ses émotions, une liberté, par rapport au collège, trop jeune je n’arrivais pas à faire le lien entre ce que je faisais et les références artistiques, ça n’avait pas de sens. Si on n’avait pas eu de cours en arts plastiques ce semestre, je n’aurais pas choisi cette option. Au collège je ne voyais pas les concepts artistiques et au lycée j’ai appris cela et à l’ESPE à les adapter au primaire. Au lycée on produisait et on voyait la/notre démarche artistique, alors qu’au collège c’était dénué de sens, Je n’imaginais pas que les AP pouvaient tant apporter aux élèves et faire, créer du lien,

Mettre du sens dans nos pratiques et notre pédagogie dès le plus jeune âge, permettra à l’enfant de grandir sans préjugés et de manière plus libre et responsable. « Comme si un refoulement ancien dont les fins n’apparaissent pas forcément, se jouait là sous les préjugés. Le noir est le danger de la pensée qu’on a : sa part obscure et constante; cette part qu’on ne voit pas, cette part incommodante et qui fait, si l’on n’y veille, retour et non sans dommages. » Charles Grivel, Alexandre DUMAS, l’homme 100 têtes. Les préjugés auront forcément un impact dans la construction de la conscience disciplinaire de l’élève ainsi que dans ses prises de décision ou non qui font l’objet d’une réflexion consciente et attentive. L’école fabrique de l’opaque comme l’écrit Pierre Bourdieu. « L’école a inscrit dans la pensée, dans ses automatismes les plus patents, mais aussi dans ses improvisations en apparence les plus libres, tout un corps opaque d’impensé, fossilisé, naturalisé, auquel paradoxalement, seule l’historicisation peut redonner vie, dont seule l’historicisation (4) peut libérer. »

Ces préjugés peuvent se manifester dans l’action et pas seulement dans la parole. Pourquoi les élèves ont-ils tant de mal à évoquer les pratiques contemporaines lorsqu’on leur demande ce que l’on fait en cours d’arts plastiques ? Peut-être parce que cet « inconscient du geste » les empêche de faire accéder à leur conscience cette diversité des pratiques encore bien controversée dans les mentalités actuelles. Et c’est précisément quand on met du sens dans nos contenus disciplinaires que les préjugés tombent …

La suite de cet article ici:

https://perezartsplastiques.com/2017/03/27/linconscient-disciplinaire-etude/

Image à la Une : René Magritte

Danièle PEREZ

Mots clé: conscience disciplinaire, inconscient disciplinaire, refoulement disciplinaire, préjugés

Cohen-Azria Cora, Lahanier-Reuter Dominique & Reuter Yves (dir.). Conscience disciplinaire. Les représentations des disciplines à la fin de l’école primaire

(1) http://www.colloqueairdf.fse.ulaval.ca/fichier/Communications/YReuter-Dom-Reuter.pdf

(2) http://www.colloqueairdf.fse.ulaval.ca/fichier/Communications/YReuter-Dom-Reuter.pdf

(3) http://sante-medecine.journaldesfemmes.com/contents/827-refoulement-psychologie

(4)

  1. (Néologisme) Prise en compte du contexte historique.
  2. (Philosophie) Intégration psychique des évènements, qui peut différer selon le contexte et le vécu de chacun.

Sitographie :

https://books.google.com/books?id=PmfvI0bvS8oC&pg=PA113&lpg=PA113&dq=inconscient+disciplinaire&source=bl&ots=wktvo92U6O&sig=qu0OoLvKGwJ89X5IAx6VCPJQmtw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj13oy_g_HSAhXGVRQKHQflDgQQ6AEIHjAB#v=onepage&q=inconscient%20disciplinaire&f=false

Pierre Bourdieu: L’inconscient d’école: 

L’inconscient sociologique,Geoffroy de Lagasnerie, site du CAIRN https://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2009-3-page-99.htm


L’inconscient disciplinaire, étude

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L’inconscient disciplinaire ou les conseils de discipline .

Article en cours d’étude …

L’inconscient disciplinaire est la part d’insu que nous véhiculons plus ou moins consciemment à nos élèves. Plus cette part opaque, comme disait Bourdieu, sera mise en lumière, plus nous pourrons exercer sereinement notre métier. La conception que nous avons de notre discipline passe par une obligation: celle de maîtriser les définitions de l’art, de la question du Beau à travers les âges jusqu’à nos jours. Moins cette conscience historique est grande, plus les zones de flou seront béantes à la fois pour l’enseignant mais aussi pour les élèves, jusque dans les systèmes d’évaluation des productions. Il y a aussi cette nécessité de se poser la question pourquoi les programmes ont-ils pris cette direction et abandonné depuis longtemps l’apprentissage du dessin, de la peinture, de la sculpture, des Beaux-Arts de manière académique. L’inconscient disciplinaire fait mal pour ceux qui veulent l’entendre car il révèle nos lacunes à la fois dans nos savoirs savants mais aussi dans nos savoirs-être.

« Leibniz, philosophe allemand du XVIIe siècle, a introduit le premier le concept d’inconscient. Il désigne par ce mot les « petites perceptions », trop ténues pour être conscientes, mais qui peuvent produire une impression consciente si elles sont en grand nombre : car la conscience les agrège et les additionne, si bien que toute perception consciente est en réalité constituée d’une myriade de perceptions inconscientes. » (1) L’inconscient n’est pas issu d’une logique par exemple sous-jacente de la pensée: c’est un ensemble de contenus qui parfois émergent dans la conscience en la rendant plus opaque. Il peut s’immiscier également dans les mécanismes de notre pensée. Mais cette opacité fait sens dans la conscience, un sens qui parfois est de l’ordre de l’écart dans les mécanismes de la pensée.

Mais avoir conscience de ses propres limites peut être extrêmement libératoire voire jubilatoire et réussir à mettre au net nos zones troubles.

Pour évoquer cet « inconscient disciplinaire » de manière plus tangible, j’ai proposé aux enseignants des premier et second degré de répondre à un questionnaire.

Ces questions ont pour effet de pointer ces « zones opaques » dans nos cours et de voir ce qui peut apparaître trouble dans notre discipline.

Il y a des incertitudes relevées comme les connaissances scientifiques, les courants et les artistes. En effet, nous n’avons pas de manuel avec des œuvres choisies qui baliseraient le champ de nos références. Celles-ci sont choisies par l’enseignant : mais de quelle manière ? « faire partager des oeuvres que nous apprécions particulièrement » est un vrai problème dans notre discipline. De manière inconsciente le professeur induit des choix qui lui sont personnels. Or, nous ne sommes pas là pour faire apprécier ce que nous aimons aux élèves mais pour leur montrer différentes façons plastiques pour répondre à une question. Il ne s’agit pas de trouver des œuvres qui nous plaisent mais d’en choisir qui seront à la portée des élèves. De manière inconsciente n’est-ce pas une volonté de leur inculquer le bon goût ? A la question : Y a-t-il de l’implicite dans nos enseignements ? On peut lire cette réponse : « un moyen de faire ouvrir les yeux des élèves sur l’expression artistique ». « Non c’est un moment d’expression, où on parle avec son coeur et avec son esprit, chacun à sa manière. On y révèle notre plus belle part d’humanité, cela ne peut pas être douloureux, pour personne. » L’art n’est-il qu’expression ? Et que recouvrent les enseignants derrière ce mot un peu fourre-tout ? « comment l’artiste s’exprime pour manifester son opinion autrement que par la voix)… et la relation avec aujourd’hui… » L’art n’est-il que manifestation d’opinions ? Ces réponses n’impliquent-elles finalement pas que l’art ne peut avoir une portée universelle voire conceptuelle ? Peut-on dire que Marcel Duchamp s’exprime dans ses œuvres ? Ne sont-elles pas plutôt de l’ordre de la déclaration ? A la question sur l’implicite, un collègue répond « Honnêtement, je pense que oui, même si tout est mis en œuvre pour l’éviter. Nous restons des êtres humains… » « C’est bien parce qu’il y a de l’implicite dans notre matière, que j »aime cette discipline ! » N’est-ce pas ouvrir une brèche permettant ainsi d’accepter le flou artistique dans notre didactique ? Ne devons-nous pas faire en sorte qu’il y ait le moins possible d’implicite dans nos dires et faire devant les élèves ?

Autre point important qui est la bête noire d’un nombre conséquent d’enseignants : « Quelles sont les situations qui vous génèrent du stress ? ». Les réponses données sont les suivantes : « la confrontation, la mise en commun des productions ». Plus loin dans la question « Peut-on mettre 20/20 à une production ? Pourquoi selon vous ? » on peut lire : « la note ne se porterait pas sur la production même (le résultat) mais sur l’engagement, sur l’implication de l’élève et son attitude face aux oeuvres d’autrui, sur sa réflexion face à la consigne… ». On remarque que les termes « confrontation » et « face à la consigne » révèlent un sentiment pas forcément positif. Pourquoi ce rapport de force est-il présent dans notre cours qui a pour vocation essentielle le bien vivre ensemble ? Des enseignants ne mettent pas des 20/20 arguant du fait que rien ne peut être parfait. En moyenne 2/10 enseignants ne mettent pas la note maximale. Cette croyance vient de loin : du primat du Beau sur l’œuvre d’art. Mais de nombreux n’hésitent pas à donner la note maximum. La compréhension de la note par les élèves s’avère être un gros problème également, générant du stress chez les apprenants. Environ 8/10 enseignants font remonter ce fait. Mais de nombreux collègues remarquent le côté positif de l’évaluation par compétence.

Quelles sont vos incertitudes dans l’enseignement des arts plastiques ? « Que reste-t’il de notre enseignement des années plus tard ? Est-on parvenu à « ouvrir une fenêtre » dans leur tête ? Développer une appétence à l’Art ? En particulier auprès des élèves particulièrement réfractaires ? » On voit bien l’inconscient qui sous-tend cette réponse : cette croyance qu’on peut tout apporter aux élèves. C’est un fait, certains n’aimeront jamais le sport, l’art ou la musique par exemple. C’est aussi une croyance que celle que le meilleur des cours peut rivaliser (il y arrive parfois) avec le climat familial dans lequel baigne l’élève. Même si de nombreux cas arrivent à dépasser leur héritage familial, d’autres ne suivront pas cette voie là. Plus l’enseignement des arts plastiques commencera tôt, plus les préjugés tomberont.

Pouvez-vous identifier des zones d’incompréhension entre notre discipline et les élèves ?« Pour les élèves, je pense que c’est très vite très clair, par contre leurs parents sont pleins de souvenirs de leurs cours d’arts plastiques et ils viennent souvent plaquer leurs idées préconçues sur le dire de leur enfant. » « A quoi « sert » l’Art Plastique ? Question très courante ! J’y réponds par les notions de Culture, d’Histoire, de Liberté, de témoignage et de Plaisir. J’avoue ne pas toujours être entendue… » Cette question de l’utilité d’un cours d’arts plastiques est bien souvent formulée par les élèves. Nos réponses véhiculent des parts d’ombre. Que peut vouloir dire par exemple la liberté à un enfant même de 3ème ? Se représentent-ils la liberté comme nous les adultes ?

« Quelles sont vos incertitudes dans l’enseignement des arts plastiques ? » Dans mon académie, beaucoup de stages et formations sont orientés sur la danse et je trouve, même si j’en comprends bien l’intérêt qu’on glisse vers les programmes d’ EPS et qu’on y perd notre identité “plastique”. A force de s’ouvrir aux autres formes d’arts, j’ai peur d’y perdre la spécificité de la discipline. » Que représentent les arts plastiques dans l’esprit de cet enseignant ? La question mériterait d’être posée mais on voit bien que cette représentation de notre discipline peut être très différente d’un sujet à un autre. N’est-ce pas une opacité apparaissant ici ? Comment un élève pourra-t-il se faire une juste conscience de cette discipline avec de tels écarts dans les approches des formateurs ?

Quelles sont les parties du programme que vous n’aimez pas aborder ?  «  Il n’y en a pas car je trouve que leur interprétation est très libre, donc je les adapte à ce que j’ai envie de faire avec mes élèves. » Ne travaillons-nous que sous l’impulsion de nos envies ? Certes un cours sera sûrement plus percutant si l’enseignant apprécie ce qu’il enseigne. Mais n’est-ce pas s’autoriser à ne faire que ce qui nous plaît ? Et ce plaisir est-il le même chez les élèves ?

Quelles sont, selon vous, les angoisses par lesquelles passent les élèves dans un cours d’arts plastiques ? « Ils se sont parfois auto-inhibés, se disent qu’ils sont nuls car ils ont du mal à représenter (par le dessin) ce qu’ils voient. » Ici se joue le désir de l’enfant qui est parvenu au stade visuel dans son développement psychologique du dessin. Il est évident que nous ne répondrons pas aux attentes des adolescents car nous ne dispensons pas de cours de dessin académique, nous l’abordons de manière détournée. Mais, selon Luquet, de nombreux enfants abandonnent le dessin arrivé à cet âge car ils ne parviennent pas à reproduire le monde de manière hyperréaliste. « Les élèves sont avides de savoirs “académiques”, ils aimeraient apprendre à dessiner, à peindre, à sculpter. Quand je transforme ma salle en atelier d’artiste et qu’on met les mains dans la cuisine picturale avec des pigments, des oeufs, de l’huile… je les sens heureux d’apprendre très concrètement les recettes du métier de peintre. Je trouve qu’on intellectualise beaucoup. » 8/10 enseignants remarquent ce fait dans notre discipline: cet écart ne répondant pas aux désirs des pré-adolescents. Nous voyons bien que la personnalité de l’enseignant peut varier d’un professeur à un autre. Le fait d’intellectualiser peut déranger certains enseignants plus attirés vers le versant pratique de la discipline. De manière inconsciente donc, non fait avec conviction, cette facette intellectuelle risque de ne pas être bien perçue par les élèves. « Au collège, je ne comprenais pas la relation des références artistiques avec le sujet ». Inconsciemment, dans ce cas de figure, l’enseignant laisse penser aux élèves que l’art est incompréhensible. Voilà une zone opaque qui émerge dans de nombreuses réponses.

Y a-t-il de l’implicite dans nos enseignements ? « Énormément ! C’est souvent d’ailleurs la raison pour laquelle certains élèves ne comprennent pas les consignes. » La consigne est elle aussi une zone opaque entre l’enseignant et les élèves. Bien souvent, si les élèves ne comprennent pas la demande, c’est que le problème n’est pas assez bien posé. Lorsque la consigne est maîtrisée, tous les enfants la comprennent. Mais comment faire pour réduire cette part opaque ? L’enseignant peut déjà repérer si les élèves rencontrant des difficultés sont nombreux auquel cas, la consigne est peut être mal posée. Si le nombre reste très marginal, une reformulation suffira. Mais à ce propos, bien des élèves pensent que certains enseignants sont incompréhensibles et qu’ils ne savent pas quoi faire. Le problème dans notre discipline est  le manque de références partagées réussies. Mais même dans ce cas, il m’est arrivé de voir certaines de mes demandes très claires rendues opaques par mes collègues. La forme d’esprit véhicule une grande part d’inconscient dans notre discipline. Un enseignant idéal devrait avoir à la fois des qualités scientifiques et de la sensibilité.

« Mais aussi lors d’une présentation d’oeuvre, on explique l’oeuvre avec notre bagage culturel alors qu’un élève n’a pas du tout le même. » Voilà une grande part d’opacité quant aux finalités de nos cours : l’enseignant n’explique pas aux élèves les œuvres mais doit poser des questions afin de les amener à en dégager le sens. Si l’enseignant explique une peinture par exemple sans s’appuyer sur les réponses des élèves, ceux-ci vont lui demander à coup sûr « êtes-vous certain que l’artiste a voulu dire cela ? ». S’appuyer sur leur réponse évitera aux élèves de penser que l’art est accessible aux adultes, seulement à des experts qui de surcroît n’approchent peut-être pas la volonté de l’artiste. C’est également de manière inconsciente laisser croire que l’artiste a un langage qui s’avère être inaccessible.

Cet inconscient disciplinaire s’insinue dans plusieurs niveaux:

– l’inconscient subjectif:  (j’aime, je n’aime pas, etc). C’est peut-être la racine de toutes les formes d’inconscient qui vont suivre: il en est la secrète architecture. La conscience subjective se manifeste lorsque le sujet a atteint une grande lucidité sur les constituants de sa personne. C’est l’inconscient du sujet, du Moi.

  • l’inconscient fonctionnel: il regroupe toutes les représentations mentales que se font les enseignants à la fois de leur fonction mais aussi de celle de la discipline. C’est l’inconscient lié au métier.
  • l’inconscient langagier: « palpation de l’excitation intellectuelle à réaliser » est un exemple frappant d’une personne très équilibrée dans sa manière de formuler sa réponse. Les mots que nous employons montrent bien notre rapport à la discipline, aux élèves, notre manière d’enseigner. Les termes « face » et « confrontation » révèlent une certaine tension par exemple chez d’autres collègues. Pour exemple, au début de ma carrière, lors d’un conseil de classe, j’avais été impressionnée par un prof de philo qui avait adopté cette formule pour résumer les cas particuliers des élèves: « attitude favorable face au travail et en classe ». Comme si le rapport au travail était de l’ordre d’une lutte pour l’élève comme dans ses rapport à la classe. « Il y a une grande confiance entre eux et moi »: la formulation est importante ici: « il y a » maintient une zone opaque entre l’enseignant et les élèves: on se demande d’où vient cette confiance et à quoi elle est due. Ce n’est pas la même chose que de dire : les élèves ont une grande confiance en moi ou la confiance entre les élèves et moi est grande. La conscience langagière est fine lorsque la personne mesure les nuance du langage avec les connotations sous-jacentes à chaque terme. C’est l’inconscient qui pétrit les mots.

– l’inconscient postural (interprétation des textes, attitude professionnelle,aspect moral du métier, etc) Les termes « confrontation, face, contre, » déterminent une posture.  « …Ce ne sont pas les parties d’un programme que je n’aime pas aborder, mais le carcan imposé par les programmes. « . L’enseignant éprouve un malaise, une sorte d’étouffement vis à vis des programmes. Comment enseigner sereinement si les textes sont perçus comme une sorte de camisole ? Mais cet enseignant par ailleurs, dans de nombreuses questions a mentionné la notion de plaisir d’enseigner. Notre posture peut s’avérer être extrêmement paradoxale. Nous poursuivons : « Mais des collègues d’autres matières ne supportent pas l’idée d’aller au delà de…10/20…… » On voit bien que pour certains collègues, le rapport à la note relève d’une fantaisie interprétative. La posture d’un enseignant au regard de la note est révélatrice de ses rapports à ses élèves. Des enseignants qui n’utilisent pas l’intégralité du spectre de la notation (de 0 à 20) induisent une certaine conception de la discipline à leur insu. Il se pourrait également que plus les notes sont basses, plus la distance entre le prof et les élèves est grande. Cela ne veut pas dire qu’il faudrait mettre 20 à tout le monde ! L’inconscient postural touche à notre relation au métier. « Je dirais que l’enseignant d’arts plastiques est un magicien ! ».La posture c’est également la sensibilité qui renseigne sur les attitudes, les positions du corps. Nos gestes professionnels comportent également une bonne part d’inconscient. En effet, notre posture en classe porte en elle bien des indices émanant de notre inconscient. (regard, gestes, ton de la voix, expression corporelle, etc). La conscience posturale est atteinte lorsque le sujet maîtrise sa communication non verbale entre autres et qu’il sait appréhender les faits sans projeter d’interprétation subjective. C’est l’inconscient qui touche les gestes de métier, les gestes professionnels.

– l’inconscient factuel qui s’en tient au fait, qui évite de les interpréter.(préférences de pratiques, rituels, organisation de la séquence, ): « Je travaille mieux dans l’improvisation ( préparée) » : l’enseignant est suffisamment sûr de lui pour se permettre un grande marge de manoeuvre. « Je redoute les mises en commun qui génèrent du stress ». Chez ce deuxième enseignant, le rapport factuel à la parole véhicule cette angoisse chez les élèves qui percevront cette dimension opaque lors des prises de parole. « Il y a de l’implicite dans toutes les disciplines, ceci est du à la formulation que nous utilisons dans la rédaction de nos sujets, j’’ai testé les sujets de collègues d’autres disciplines et je suis bien dans l’embarras parfois, donc du coup je passe beaucoup de temps à formuler. » En effet, reprendre une séquence de quelqu’un d’autre induit forcément une interprétation de celle-ci. La conscience factuelle est celle qui permet de s’inscrire pleinement dans l’action ou dans l’observation de celles des autres (oeuvres, productions, etc). C’est l’inconscient qui touche notre perception et sens de l’observation. Il s’insinue dans nos constats.

– l’inconscient savant (connaissances scientifiques, historiques, etc) « Je redoute mon rapport aux références artistiques et leurs liens avec l’histoire que je maîtrise mal. ». La conscience savante consiste à maîtriser l’ensemble des savoirs et des connaissances et à pouvoir les restituer sans les déformer. C’est l’inconscient qui s’immisce dans nos connaissances savantes.

– l’inconscient procédural (mode opératoire, procédures) « oui, très bien, ils sont excites de découvrir les sujets, de les réaliser, ils aiment manipuler des matériaux, ils aiment créer, ils apprennent à aimer le côté enjeu de la matière, ». La conscience procédurale incarne la maîtrise de la didactique avec cette capacité à l’adapter aux profils des élèves et de la classe. C’est l’inconscient qui se glisse dans nos modes opératoires.

– l’inconscient culturel ou social (préjugés) »les autres enseignants détestent les arts plastiques, pas assez rigide pour eux » Il est clair que notre discipline peut paraître laxiste pour certains collègues. « Mais aussi lors d’une présentation d’oeuvre, on explique l’oeuvre avec notre bagage culturel alors qu’un élève n’a pas du tout le même. « : l’enseignant montre bien la rencontre des deux inconscients culturels lors d’une présentation d’oeuvres : les élèves ont aussi leur part d’inconscient ! La conscience culturelle ou sociale consiste pour le sujet à savoir reconnaître d’où il vient, mais également à identifier son « habitus » pour reprendre une notion de PIerre Bourdieu. En sociologie, un habitus désigne une manière d’être, une allure générale, une tenue, une disposition d’esprit. « Il permet à un individu de se mouvoir dans le monde social et de l’interpréter d’une manière qui d’une part lui est propre, qui d’autre part est commune aux membres des catégories sociales auxquelles il appartient. » Wikipedia « L’habitus est un ensemble de dispositions durables, acquises, qui consiste en catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales. Acquis au cours de la prime éducation et des premières expériences sociales, il reflète aussi la trajectoire et les expériences ultérieures : l’habitus résulte d’une incorporation progressive des structures sociales. » (3). C’est l’inconscient lié à notre éducation et au milieu dans lequel on évolue.

L’ordre de présentation, l’ampleur des différentes formes d’inconscient disciplinaires varient selon les personnes. En effet, on peut être plus ou moins en accord avec le milieu social, postural et autres.

De ce fait, notre discipline expose particulièrement l’enseignant aux critiques car cet inconscient disciplinaire relève à la fois de la personne mais aussi de son histoire, de sa culture, de son langage, de ses gestes, de son regard, des modulations de sa voix, de ses déplacements ou non. « Bergson affirme que l’inconscient est essentiellement mémoire. En effet, qu’est-ce donc que la mémoire, sinon une forme d’inconscient ? Tous les souvenirs qui se gravent dans notre esprit au fil de nos aventures restent inconscients la plupart du temps. » (1)

Enfin, par rapport à mon enquête menée auprès des enseignants, la majorité des collègues font remarquer que la richesse de notre discipline tient à l’implicite qui la caractérise. Ce point mériterait une étude plus approfondie.

« En dehors de l’inconscient psychique, on peut caractériser un inconscient « social ». Cet inconscient très vaste désigne tout ce qui, en l’homme, n’est pas conscient en tant que tel mais qui nous est révélé par les sciences humaines. Ainsi, l’homme est conscient de ses actes, mais il n’a pas toujours conscience de leur entière signification, de leur logique ou de leur fonction sociale. » Marx écrit :« ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience « .

Reuter, fondateur du concept de conscience disciplinaire fait remarquer que l’absence de sens conduit à des représentations souvent inadéquates. Le but de cet article et sa volonté est de lancer une vaste question sur ce qui s’insinue malgré nous dans l’exercice de notre métier.

Je remercie chaleureusement les enseignants qui ont répondu avec gentillesse à mon questionnaire.

Les photographies sont de Marc Le Mené, photographe de l’inconscient. Les photos font partie d’une collection « The mental room ». 1995-2000 Du dessin à la photo, l’artiste compose ses clichés.

(1) Thomas Michaud, Télécommunication et science fiction, 

(2) Karl Marx, Avant-propos à la Critique de l’Economie politique, 1859.

(3) Habitus, Anne Catherine Wagner

 

 


La machine dans l’art

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Machine à rêver, machine volante, machine à peindre, machine à calculer, machine à remonter le temps, l’homme a, de tous temps, rêvé d’accroître sa puissance en inventant de tels instruments. Mais il y a son revers avec les machines de guerre, les machines à tuer, les machines à torturer. Comme dans toutes les inventions scientifiques, la machine peut revêtir un côté positif mais aussi un négatif.

Qui n’a pas utiliser l’expression Deus ex machina ? C’est une ingénieuse invention des grecs pour faire entrer le divin dans le théâtre : il désigne le mécanisme qui sert à faire entrer une divinité en scène venant dénouer une situation complexe.

A l’époque industrielle dès le XVIIIème siècle, la machine accompagne l’homme dans bien des tâches. L’imprimerie bien avant avait déjà été une belle invention mécanique. Mais on connaît les ravages de la mécanisation du travail aujourd’hui supprimant des emplois et privant de travail bien des personnes pour des raisons de profit.

Quels rapports entretient l’art avec les machines ? Pourquoi les artistes sont-ils fascinés par ces ingénieuses mécaniques ?

La Renaissance est un grand moment de l’histoire de l’art où les artistes se mettent non seulement à rêver mais aussi à inventer des machines artistiques les plus audacieuses.

Albrecht Dürer, dans Methode pour dessiner un luth, réalise une machine pour aprrendre à dessiner selon des procédés mathématiqques/

Mais auparavant Brunelleschi avait inventé la camera obscura permettant de représenter de manière euclidienne l’espace environnant.

C’est Léonard de Vinci avec son imagination débordante qui a inventé de curieuses machines f-dont il a fait des croquis dans ses carnets. Léonard était obsédé par les mécaniques de la nature dont il a étudié les phénomènes : les tourbillons d’eau, les squelettes des oiseaux l’amenant à inventer une machine à voler.

La machine à coudre devient un sujet de peinture: (noms des artistes inconnus, si vous les connaissez, faites-le moi savoir)

Avec les futuristes, au début du XXème, la machine devient une sorte d’extension humaine dont les artistes exaltent la puissance.

Russolo – Dynamisme d’une automobile – détail 1912-1913

Light Space Modulator by László Moholy-Nagy, une machine à dessiner avec les ombres et les lumières.

Mais on pense inévitablement à Jean Tinguely avec ses machines spectaculaires:

FataMorgana (1985) by Jean Tinguely in the exhibition A new look at Jean Tinguely’s work in the Museum Tinguely in Basel, Switzerland, on November 6, 2012. (KEYSTONE/Georgios Kefalas)

Cette machine de Tinguely nous rappelle la scène du film Les temps modernes de Charlie Chaplin
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Marcel Duchamp dans le Grand verre  propose une oeuvre très proche de la mécanique avec ses rouages, ses mécanismes, son mode d’emploi.

L’artiste Echo Yang exploite des machines de notre quotidien pour voir comment elles dessinent. La boîte verte

Anish Kapoor réalise des canons à peindre spectaculaires:

Rebecca Horn invente des petites machines imitant le vol des papillons:

L’artiste australien Daniel Agdag réalise des machines volantes en carton qui donnent envie d voyager !

Théo Jansen réalise des machines en matériaux naturels qui fonctionnent:

Martin Messier invente un concert de machines à coudre. Artiste à mi-chemin de la musique et des arts plastiques.


Didier Marcel –  »Coucher de soleil »

En 2000,  Wim Delvoye avec Cloaca invente une machine qui reproduit les phénomènes de la digestion. Une machine à faire des excréments !

Mais Wim Delvoye réalise aussi des machines avec un jeu subtil entre le plein et le vide.

Nam June Paik propose des installation avec des téléviseurs, ces machines à images et son.

D’autres thématiques ici:

https://perezartsplastiques.com/les-notions-dans-les-arts-plastiques/


Les sept principes fondamentaux validés par les neurosciences vus par les arts plastiques

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« La relation entre sciences cognitives et domaines artistiques se dévoile dans toute sa nécessité si l’on sait que les stratégies cognitives inconscientes sont profondément reliées aux dispositifs de représentation mentale du réel. » Le café pédagogique

  • Il n’existe pas un esprit qui puisse être dissocié des fonctions cérébrales ; par exemple il est faux de dire « celui-ci a un esprit d’artiste »
  • Il n’existe pas, au sein du cerveau, un système de contrôle central qui régule les innombrables fonctions sensorielles et cognitives ; toutes les parties sont reliées entre elles. Exercer une zone du cerveau aura-t-il des répercussions sur les autres ?
  • Il n’existe pas pour n’importe quelle fonction cérébrale une aire du cerveau unique travaillant en parfaite autarcie sans être reliée à d’autres aires ;
  • La raison, la logique, le calcul (principalement situés dans l’hémisphère gauche) sont traversés par des émotions ; l’endocept est donc très important en mathématiques. De nombreux sujets d’arts plastiques font aussi appel à la logique des élèves par exemple « le plus léger des carrés ».
  • Les décisions sont des actions imprégnées d’émotions ; un élève qui fait des choix en arts plastiques, qui prend des risques est traversé par toute une série d’émotions.
  • Les sens, les émotions, les sentiments jouent un rôle majeur dans la conduite des actions quotidiennes, même rationnelles, des êtres humains ; il est particulièrement fort en arts plastiques où les sens sont convoqués avec la vision et le langage.
  • Il existe différentes formes de mémoire et d’attention dont il faut comprendre le fonctionnement ;
  • La mobilisation de sens différents accroît l’attention et l’ancrage mémoriel ; d’où la nécessité de mettre en place des situations variées en arts plastiques sollicitant le plus possible leurs sens.
  • Il y a une hiérarchisation des fonctions cérébrales ;
  • Les réseaux de neurones travaillent en parallèle etc. (8)

DES SEPT PRINCIPES DES NEUROSCIENCES A LA SIMPLEXITE

« La conscience – cette faculté mentale qui permet à l’être humain de se rendre compte de sa propre existence comme du monde extérieur – n’a aujourd’hui pas encore été complètement expliquée. Toutefois, les récentes recherches entreprises par l’ensemble des sciences cognitives, notamment en neurosciences, en psychologie, en philosophie ou encore en simulation informatique, ont permis de grandes avancées dans la compréhension du fonctionnement de l’esprit conscient. » (-1)

 

Les neurosciences cognitives introduisent la démarche scientifique dans la compréhension du fonctionnement du cerveau. Elles posent la question : comment notre cerveau perçoit-il les phénomènes ? Comment ressent-il nos émotions et selon quels principes, et comment nous permet-il de nous souvenir et de nous projeter dans l’avenir ?

« D’après les enquêtes, 50% de la population (adulte ou adolescente) pense que l’intelligence est une donnée acquise à la naissance et que « l’on fait avec ce que l’on a » durant toute sa vie. » (0) Ainsi, combien de fois avons-nous entendu dire : « je suis nul en dessin, nul en peinture ! ». Les enseignants possèdent une grande expérience empirique de l’apprentissage sans avoir nécessairement connaissance des dernières avancées en neurosciences qui confirment ou éclairent ces pratiques. » (0). Combien de fois pouvons-nous entendre en conseils de classes :  » Cet élève est en difficulté en arts plastiques, en mathématiques ». N’est-ce pas une manière de ne lui laisser aucune chance de progresser ? Ne serait-il pas préférable de dire que « cet élève rencontre des difficultés », ce qui nous demanderait de nous pencher sur les remédiations à faire ? « Les élèves perçoivent d’ailleurs les enseignants comme des spécialistes de la matière enseignée mais rarement comme des spécialistes de l’apprentissage »(0). Ce n’est pas tout à fait vrai pour notre discipline car rarement nous montrons nos capacités créatives afin de ne pas engendrer des phénomènes d’imitation. « Connaître le fonctionnement basique du cerveau aide-t-il à mieux enseigner si on est enseignant et à mieux apprendre si on est élève ? ». La réponse a été OUI. Stanislas Dehaene, grand spécialiste fait remarquer que les pilotes de formule 1 connaissent parfaitement les rouages d’un moteur alors que les enseignants ne connaissent pas le fonctionnement du cerveau humain. Mais nous, enseignants d’arts plastiques, savons-nous quelles zones du cerveau sont mobilisées lors des apprentissages des élèves ? Les neurosciences vont nous aider à clarifier cette question.

Les neurosciences cognitives désignent le domaine de recherche dans lequel sont étudiés les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la cognition (perception, motricité, langage, mémoire, raisonnement, émotions…). C’est une branche des sciences cognitives qui fait appel pour une large part aux neurosciences, à la neuropsychologie, à la psychologie cognitive, à l’imagerie cérébrale ainsi qu’à la modélisation. (wikipedia) C’est ce que nous allons tâcher d’évoquer dans cet article.

Un peu d’histoire:

Le cerveau n’était pas considéré comme un organe important : c’était plutôt le cœur, mais pas toujours. Ainsi Toutânkhamon (il y a 3300 ans) avait-il dans son tombeau des jarres contenant son estomac, le foie, les poumons et les intestins mais pas le cerveau qui a été jeté pour l’embaumement. Jusqu’à la Renaissance, il était risqué de disséquer des corps humains. Léonard de Vinci a pris des risques en auscultant des corps. (3)

Les rapports entre les neurosciences et la psychologie :

Le comportement est causé par des processus cognitifs dont on peut déduire l’existence à travers ses variations. Voici les 12 capacités à entretenir de notre cerveau. La vision est la fonction la plus mobilisable dans notre cerveau. D’où la nécessité de montrer une grande variété d’oeuvres d’arts. Le langage appris en cours d’arts plastiques, exercé à chaque cours, permettra à l’élève de mettre des images, des matières, des textures, etc sur les mots. Nous voyons également que notre cerveau est un explorateur: les situations pédagogiques en arts plastiques basées sur les expérimentations et les réinvestissements sont particulièrement bien adaptées pour le développement des élèves. Les sollicitations des autres sens aussi particulièrement, et cela dès le cycle 1.

Il y a trois processus psychiques permettant la transmission des informations:

  1. L’acquisition: processus d’encodage et d’enregistrement des informations dans la mémoire. Le taux d’acquisition des informations chute de 50 % en 20 minutes.
  2. La rétention : qui correspond au stockage plus ou moins long de ces informations
  3. La restitution ou récupération: remémoration, souvenir mais aussi oubli, perte de l’information. Par exemple apprendre à reformuler ce que l’artiste n’a pas su mettre en mots. Souvent ceux-ci progressent grâce aux analyses faites sur leurs productions. Certains parviennent facilement à cet agir cognitif.

Dans la mémoire interne sont conservés des souvenirs de diverses natures: souvenirs d’enfance, tableaux, mélodies, odeurs, sensations tactiles. Elle a une capacité immense mais peut être l’objet d’oublis à plus ou moins long terme.

Il y a trois formes de mémoire à long terme:

1; La mémoire épisodique: mon premier tableau, ma première visite au Musée

2: La mémoire sémantique: les Monet sont des peintures impressionnistes, PIcasso a participé au cubisme, etc

3: La mémoire procédurale: mémoire des actions. Dans nos mises en commun, la sollicitation de cette mémoire est très importante car c’est elle qui permettra de mettre du sens dans ses productions.

La mémoire est un travail d’encodage et le code de l’image est le plus puissant.

Si les souvenirs ne sont pas bien récupérés, il y a plusieurs raisons:

  • trouble de l’attention
  • trouble de consolidation
  • mauvaise stratégie de recherche.

Les sept principes fondamentaux à adopter dans l’éducation préconisés par les neurosciences :

  1. De 0 à 5 ans: l’esprit est absorbant selon Maria Montessori. L’enfant commence à intégrer les stimulis qu’il perçoit du monde extérieur.Chaque image, geste, son odeur laisse sa trace dans sa mémoire. 700 à 1000 nouvelles connexions dans les synapses de l’enfant se mettent en place. Tout ce qu’il perçoit crée des connexions dans son cerveau. C’est une vraie éponge. D’où l’importance en cycle 1 de créer un climat de confiance et de varier les situations d’enseignement afin de multiplier ces connexions. Changer les techniques, les matériaux, les supports, les outils est fondamental. Il s’agit de stimuler de plusieurs façons le cerveau des enfants. Vers 3 mois, l’enfant perçoit plusieurs couleurs de base, les premières acquises sont le rouge et le vert. Vers 4 mois, il peut distinguer autant de couleurs qu’un adulte. Vers 2 ans, toutes les habiletés optiques sont bien coordonnées. L’acuité visuelle est de 20/20 à 20/30 (normale). De 3 à 5 ans, il sait associer les images au récit. (2) C’est un préjugé dont il faut se défaire que celui qui consiste à ne montrer que des oeuvres basiques et simples en MS, GS du cycle 1. Ils peuvent très bien sentir la force de Guernica de Picasso. Damasio, dans L’erreur de Descartes, souligne que raison et émotion se logent au sein des mêmes plis de notre cerveau : tenter de se couper de ses émotions pour augmenter la rationalité de son jugement ne peut aboutir qu’à l’inverse du résultat escompté. L’endocept en est un phénomène.

2. Notre cerveau a une dimension sociale: d’où l’importance des mises en commun des travaux, des projets de groupe où la discussion va être menée par les membres du groupe.« La recherche a démontré que les relations virtuelles ne suffisent pas et leur utilisation croissante risque d’avoir des conséquences graves sur notre fonctionnement. » (1)La méthode socio-constructiviste et la pédagogie de la découverte vont bien dans ce sens. Lors d’une séance d’arts plastiques, il est normal d’avoir un volume plus élevé en classe car les élèves échangent entre eux même lorsque la consigne porte sur un travail individuel. Ces échanges sont primordiaux dans la construction de leurs apprentissages: les uns expliquent aux autres leur démarche et c’est bien ce qu’on cherche à faire émerger dans nos mises en commun. D’ailleurs, en écrivant cet article, me vient cette idée : pourquoi ne pas dire aux élèves que ces mises en commun consistent à dire tout haut ce qu’ils ont dit tout bas à leurs camarades ? Il suffit de tendre l’oreille pour se rendre compte de la richesse et de la pertinence de leurs échanges.

3. La bienveillance : nous avons vu dans un article précédent l’importance de l’endocept. Dans une situation bienveillante, l’élève apprendra mieux. Mais ce n’est pas une solution de dire « c’est beau, magnifique » pour répondre à ce besoin de reconnaissance de l’élève. Le questionner sur ce qu’il fait est une forme d’encouragement qui non seulement le mettra en confiance mais lui permettra d’apprendre concrètement.

4. L’attention : L’enseignant doit captiver les enfants mais sans sombrer dans la démagogie. C’est en proposant des séquences stimulantes que l’élève sera attentif non seulement aux autres mais aussi à ce qu’il est en train de produire. L’« effet maître » consiste à bien orienter l’attention des apprenants et donc à bien définir la tâche en question. Le choix d’activités qui favorisent l’autonomie est préconisée. Une séquence d’arts plastiques bien conçue augmente l’autonomie des élèves. « Le mouvement cérébral qui va nous permettre d’orienter notre action en fonction d’un objectif, d’un centre d’intérêt… Grâce à elle, nous captons, par nos cinq sens, les différentes informations en provenance soit de notre environnement, soit de notre ressenti émotionnel ou psychologique. »Stanislas Dehaene. Le cerveau dès le plus jeune âge émet des hypothèses: « cet ibjet est rigide » … « Le plus grand talent d’un enseignant consiste à canaliser et captiver, à chaque instant, l’attention de l’enfant. » Stanislas Dehaene. Si une séance doit être rythmée avec des phases de pratique et des phases de mises en commun riches et constructives (pas de bavardages mais émergence de sens, de notions, de vocabulaire) c’est bien pour focaliser cette attention. Des consignes trop longues ou à double tâches perturberont l’attention des élèves.

5. L’engagement actif : « Un organisme passif n’apprend pas. La progression spiralaire favorise son engagement puisqu’elle consiste à réitérer les expériences. Plus la séquence sera motivante, plus l’enfant sera engagé dans son travail. Un cours d’arts plastiques bien rythmé avec des temps de pratique courts et variés favoriseront les apprentissages. Notre discipline est sûrement celle qui se rapproche le plus des avancées dans le domaine des neurosciences

6. La consolidation : L’automatisation est le fait de passer d’un traitement conscient, avec effort à un traitement automatisé, inconscient. La progression spiralaire est encore un outil précieux pour mener cette consolidation: pour mémoriser une information, notre cerveau a besoin de trois passages au minimum, pour intégrer une nouvelle habitude, il a besoin de 21 jours. Le sommeil intervient aussi dans la construction de cette consolidation. On pourrait très bien imaginer de mener une petite séance de méditation silencieuse de 5 minutes après un apprentissage ou une séance. L’automatisation: transfert du conscient au non‐conscient, et libération de ressources.

7. Le feedback immédiat: Lorsque l’enfant commet une erreur pendant une séance, plus le retour de l’enseignant sera immédiat, plus l’enfant corrigera vite. Mais il est important, en arts plastiques, de lui proposer de faire de cette erreur quelque chose de constructif, de nouveau auquel il n’aurait pas pensé et cela très rapidement. Par exemple, les erreurs en miroir viennent de la structure de notre cerveau: si un enfant représente quelque chose à l’envers cela vient de là. Mais cela n’a rien à voir avec la dyslexie sauf si cela se prolonge.

Percevoir c’est agir 

« L’apprentissage par entraînement virtuel, dans la simulation imaginaire de l’acte ou du geste, développe des capacités nouvelles. L’imitation en miroir joue ainsi un rôle fondamental dans l’interaction avec le monde et avec autrui. » (4) L’action affine la perception : c’est pourquoi il est tant important de faire entrer dans nos mises en commun du vocabulaire nouveau car tant que l’élément n’est pas nommé, il n’existe pas dans la conscience. Il est affirmé dans cet article que l’imitation n’est pas dégradante bien au contraire. Un élève qui aura compris la posture d’un de ses camarades et qui la reproduira aura progressé dans ses apprentissages. Beaucoup ont besoin de voir, de sentir, d’observer, d’analyser pour agir. Il ne s’agit pas de les brimer mais de comprendre leurs mécanismes dans leur manière de progresser.

 

Schéma origine: ici

Les techniques négatives :

  • les comparaisons, les notes, la compétition
  • les menaces
  • les cris
  • les punitions
  • les récompenses
  • les ordres
  • Our conscience is our instinctive moral sense

  • Lors de nos mises en commun, les comparaisons devront être positives « Comment as-tu fait ceci ? Et toi cela ? ». Ne dites pas « Quel est le meilleur des travaux ». Pour la passation des consignes, invitez plutôt les élèves à y répondre mais pas sous forme d’une sommation. En collège, où la note est encore obligatoire, il est nécessaire que l’élève la comprenne. Pour cela, les critères devront toujours être donnés en amont du travail à effectuer. C’est bien normal car dans tous les examens et concours, les barèmes figurent sur les sujets. Il est possible de les projeter au tableau durant la phase de pratique.

Carte du cerveau réalisée à partir de plusieurs schémas:

« ‐ Le cerveau est organisé dès la naissance. Il contient des connaissances innées mais aussi L innées, mais aussi des algorithmes sophistiqués d’apprentissage. »Stanislas Dehaene, Collège de France

 

Partir du principe qu’à la naissance et jusqu’à un certain âge, le cerveau humain n’est pas structuré est une erreur. C’est déjà une machine très complexe aussi puissante qu’un ordinateur. Le rôle de l’école est de multiplier les stimuli afin d’accroître cette fabuleuse machine. Les arts plastiques ont cette vertu de faire interagir toutes les zones du cerveau et de les consolider. C’est la raison pour laquelle l’art est si important et primordial à l’école comme au collège.

Comment apprendre efficacement : zoomez sur la carte

La capacité à recevoir, authentique moment du partage de l’expérience artistique, qui ne relève pas de l’éducation mais au sens fort, de l’empathie. (4) Jeanne-Claire FUMET

Les neurosciences peuvent étudier le rapport des activités artistiques au savoir et verront combien celui-ci est relié au sensible et qu’ils relèvent des sciences de la sensibilité. Créer c’est apprendre dans une dimension sensible et empathique, c’est apprendre en société, c’est apprendre à formuler ses préférences, apprendre à faire des choix, apprendre à observer, apprendre cet art de la maïeutique en cherchant à faire accoucher l’esprit des artistes à travers leurs oeuvres d’art.

Dans le Café pédagogique (4), on peut lire « le cerveau se forme par objectivation, pas par mimétisme. ». Que doit-on penser alors de la musique, de la danse et de certaines formes artistiques où le mimétisme joue une part importante dans les apprentissages ? Certes, non sans souffrances. Le cerveau se forme aussi par mimétisme, objective par mimétisme mais de manière passive, les neurones miroirs forment à l’empathie. « L’interprétation de ces données est donc que le système miroir des émotions permet de simuler l’état émotionnel d’autrui dans notre cerveau et donc de mieux identifier les émotions éprouvées par les individus de notre entourage. » Wikipedia, Neurones miroirs.

Le mimétisme intervient pour toutes sortes d’apprentissages :

  • l’utilisation de son corps dans l’espace
  • l’utilisation d’outils et l’acquisition de techniques
  • l’acquisition du langage
  • l’acquisition de mécanismes mentaux (déduction, résolution de problèmes)
  • Le concept de simplexité d’Alain Berthoz,

  • QU’EST-CE QUE LA SIMPLEXITÉ  ?Une « chose simplexe » est une « chose complexe dont on a déconstruit la complexité que l’on sait expliquer de manière simple » « L’évolution a mis en place chez le vivant, face à la complexité du monde et l’augmentation de la complexité des organismes vivants, des « principes simplificateurs ». Ils ne sont pas simples, ils exigent parfois des détours, mais ils permettent de réaliser des fonctions rapidement et avec une grande efficacité. On trouve ces mécanismes « simplexes » du niveau génétique jusqu’aux fonctions cognitives les plus élevées. »AB (6). Son étude porte sur le mouvement dans les différents sports. Mais n’en est-il pas de même en arts plastiques où le mouvement et la motricité ont une grande importance ? Et quelle simplexité dans les apprentissages numériques !  « L’anticipation est un autre principe simplificateur, important, outil de la simplexité. En effet, le cerveau est essentiellement une machine à anticiper le futur à partir de la mémoire des conséquences des actions passées (ce lien entre passé, présent et futur est actuellement formalisé par des modèles probabilistes « bayésiens »). « AB Les études sur la simplexité en sport est compréhensible tant les enjeux financiers sont importants. Mais ne serait-il pas intéressant d’interroger ce concept à la lumière des activités artistiques pour mieux connaître ce phénomène qui doit bien exister dans la psyché des enfants et des adultes surtout à l’ère du numérique ? « Agir c’est désinhiber » « en s’inspirant du vivant, on peut reformuler un peu différemment des théories de la décision (…) ce cerveau créateur grâce à ces solutions simplexes peut inventer des solutions. » Il achève sa pensée en évoquant l’élégance de son concept.. Cette pensée simplexe est en totale contradiction avec la pensée complexe d’Edgar Morin. Plutôt qu’affronter les deux théories, prenons ce qui dans chacune d’elles nous parlent. (Cela fera l’objet d’un article ultérieur)
  • Zoomer sur le schéma de Berthoz:
  • « La simplexité, telle que je l’entends, est l’ensemble des solutions trouvées par les organismes vivants pour que, malgré la complexité des processus naturels, le cerveau puisse préparer l’acte et en projeter les conséquences. Ces solutions sont des principes simplificateurs qui permettent de traiter des informations ou des situations, en tenant compte de l’expérience passée et en anticipant l’avenir. Ce ne sont ni des caricatures, ni des raccourcis ou des résumés. Ce sont de nouvelles façons de poser les problèmes » Berthoz (7). Nous voyons bien que cette simplexité est à l’oeuvre dans nos cours d’arts plastiques avec les stratégies des élèves placés face à des problèmes ouverts.
  • Sitographie, bibliograhie:

(-1)http://www.formation-continue-unil-epfl.ch/formation/sciences-cognitives-conscience/

(0) http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche9792.pdf

(1) http://apprendreaeduquer.fr/principes-educatifs-neurosciences/

(2) http://naitreetgrandir.com/fr/etape/0_12_mois/developpement/fiche.aspx?doc=naitre-grandir-developpement-sens-vue

(3)http://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/articles_pdf/neurosciences.pdf

(4) http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/07/12072013Article635092149742700878.aspx

(5) http://www.mediachimie.org/sites/default/files/chimie_sport__17.pdf

(6)http://www.mediachimie.org/sites/default/files/chimie_sport__17.pdf

(7)http://www.heuristiquement.com/2010/08/la-simplexite-selon-alain-berthoz.html

(8) http://www.comportementsetinnovation.com/pourquoi-les-neurosciences-cognitives-modifient-elles-la-comprehension-et-la-pratique-de-lapprentissage/

http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=differences-cerveaux-feminins-et-masculins

http://slideplayer.fr/slide/1302130/

http://math.unice.fr/~grammont/l2psy/l2psy1.pdf

http://www.college-de-france.fr/media/stanislas-dehaene/UPL4296315902912348282_Dehaene_GrandsPrincipesDeLApprentissage_CollegeDeFrance2012.pdf



Protégé : L’évaluation : de la chambre obscure à la fenêtre ouverte sur les élèves, à partir des documents de Madame LAY, IA-IPR de l’Académie de Paris

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20 conseils pour devenir un prof qui passionne ses élèves

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Un article de 2000 mots soit dix minutes pour le lire … Cet article compte sur vos contributions  « Qu’est-ce que l’intelligence plastiques en une phrase ? »

20 conseils pour devenir un prof qui passionne ses élèves :

Pas facile d’attirer l’attention de tous ses élèves. Encore plus difficile d’enseigner quand on entend les rumeurs dans la salle, vous savez ce bruit de fond d’élèves qui chuchotent. D’une salle de classe d’une trentaine d’élève à un amphi 500, le problème reste le même: l’enseignant désire être entendu par la totalité de ses étudiants ou élèves. Pourquoi cette difficulté liée au son, au brouhaha, au fond sonore qui nous perturbent ?

Il est extrêmement difficile de suivre sa pensée avec des bruits parasitaires. Nous ne savons plus ce que nous venons de dire et nous perdons le fil de ce que nous allions dire. Alors la tension monte, un zeste d’agressivité s’insinue dans notre voix et nous perdons le contrôle. Nous prenons les carnets des élèves, demandons le silence aux étudiants et avec ces gestes professionnels décalés, nous perdons la confiance à priori qu’ils avaient en nous.

Comment faire pour ne pas sombrer dans un autoritarisme préjudiciable pour les deux parties ?

Comment être bien dans sa peau quand on voit passer les élèves qui ne nous disent pas bonjour, pire qui font des remarques à notre passage et dont nous sortons atteints, meurtris ? Comment sortir de cette spirale infernale où il semble ne pas y avoir de sortie ?

1 Un bon professeur se tient droit :

Maîtriser son corps:

Notre corps trahit notre rapport aux public. Nos gestes communicationnels non verbaux aussi. Nous avons tous des tics de langage mai aussi corporels. Il s’agit de gestes ou micro-gestes qui nous trahissent. Ces mini postures, qui peuvent être flagrantes dans certains cas, en disent long sur nous. Pa exemple, rester derrière son bureau toute la séance est catastrophique. Ce bureau fonctionne comme un bouclier entre votre espace et celui des élèves. Il s’agit donc de vous dire: cette salle est la mienne et je vais l’investir. Sans courir, sans frémir, il est primordial de se déplacer dans toute la salle avec un pas lent et sûr, un pas décidé, un corps actif. Etre conscient de sa présence physique est fondamental. A vous de vous questionner:

  • suis-je trop mou ?
  • sui-je trop statique ?
  • suis-je trop actif ?
  • comment les élèves me perçoivent-ils ?
  • cette salle est-elle la leur ou la mienne ?

Les musiciens en concert ont des retours pour bien entendre leur instrument. Et bien, placez une caméra vidéo dans le coin de la salle et vous aurez un aperçu direct de la qualité de votre présence en classe.

2 Un bon professeur use de son regard :

Il est important d’avoir un regard souriant et bienveillant. Savoir passer du général au particulier, ne pas hésiter à changer d’expression, le regard est comme la voix, il se module avec les sourcils.

3 Un bon professeur travaille sa voix :

Nous n’utilisons pas forcément la bonne tonalité pour notre voix. Parfois, nous parlons de manière trop aiguë ou trop grave. Plus on crie, plus on monte dans les aigus. Il est tout à fait possible de se faire respecter sans jamais crier. Un élève parle, rit, fait le pitre : déplacez-vous jusqu’à lui et tâcher de savoir pourquoi il préfère ne pas suivre le cours. Ne criez surtout pas: c’est un aveu de faible autorité.

 

4 Un bon professeur sait apparaître savant avec un langage adapté à son public :

Il est nécessaire d’adapter le contenu de ses propos au niveau de la classe ou de l’amphithéâtre. Les connaissances qui sont  la clé de voûte de notre « aura », peuvent très bien être dites dans un langage adapté aux élèves. On peut très bien philosopher à l’école primaire.

5 Un bon professeur a de l’humour :

Devez-vous commencer votre cours par une histoire humoristique ? L’humour est une arme magique pour dénouer bien des situations conflictuelles: mais il ne faut jamais se moquer de ses élèves. Pratiquer l’autodérision est excellent. Il m’est arrivé de m’imiter moi même, de me caricaturer pour retrouver la complicité des élèves. (par votre façon de vous exprimer, pensez à utiliser les silences!)

6 Un bon professeur met en scène ses séquences :

Une séquence bien mise en scène, poétique, créative évitera la dispersion de la classe. Il ne faut pas hésiter à incarner le rôle d’un acteur. Nous sommes en représentation face aux élèves.

7 Une bon professeur fait une impression favorable :

Par la maîtrise de votre sujet et la sympathie que vous dégagez !

8 Répondez de manière accueillante:

Un élève qui pose une question même hors propos fait un effort pour suivre le cours. Ne vous débarrassez jamais de lui en passant à autre chose ou en faisant comme si vous n’aviez rien entendu. En gardant le calme, si la question est déplacée (critique, insulte, menace) vous atteint : ne montrez rien. Faites remarquer à l’élève que ses propos sont déplacés et demandez-lui pourquoi ? Ne vous lancez pas dans une polémique et notez ses dires sur un papier. Puis, s’il le faut faites un rapport à l’administration. La semaine suivante, vous pouvez l’accueillir en lui rappelant avec bienveillance que c’est avec plaisir que vous l’acceptez dans la classe. « Comment vas-tu aujourd’hui ? Si quelque chose ne va pas, parle m’en et nous verrons ensemble comment travailler ensemble. » . Un élève peut être agressif car il reçoit trop de négatif chez lui. Le discours vaut mille punitions qui ne servent à rien qu’à envenimer les situations. Vous pouvez prendre des notes sur l’attitude de vos élèves et dire, la semaine suivante, s’il y a du progrès, qu’il est en bonne voie. Les élèves aiment tous être remarqués même les plus discrets.

9 Un bon professeur gère son temps :

10 Utilisez le barème qui consiste à calculer que 2000 mots mettent environ dix minutes à être prononcés

Sachez que les élèves ne retiendront qu’une faible partie de ce que vous annoncez. Plus une consigne sera courte : plus elle sera efficace. Mais n’oubliez pas que la poésie peut installer un climat très favorable de travail: pour cela il faudra incarner votre rôle comme un conteur, un acteur devant son public. Mais isolez bien la consigne de cette mise en situation onirique. Répétez-la deux fois s’il le faut: courte et efficace.

11 Un bon professeur prépare des supports visuels :

Pourquoi les aides visuelles sont importantes pour renforcer votre message ? Il y a deux types d’apprenant, voire davantage. Mais les supports visuels consigne projetée sur un écran, carte mentale faite en directe avec un brainstorming pourra permettre aux élèves de plus facilement entrer dans les apprentissages. Repérez les mots clés de cotre consigne, puis en direct, questionnez les élèves pour savoir ce qu’il est important de faire. Toujours en direct : changez de couleur les mots clés. Le travail sera bien meilleur.

12 Un bon professeur adhère à sa personnalité :

Il faut avoir une forte adhérence à ses principes de décision. Quand vous dites quelque chose faites-le. Bien souvent j’ai vu des collègues annoncer quelque chose et ne jamais le faire. Vous perdrez en crédibilité. Si le temps de la pratique de la séance est de 10 minutes: ne laissez pas une demie heure. Il vaut mieux arrêter les élèves et évaluer s’il est nécessaire de laisser quelques minutes de plus. Bien souvent ce n’est pas utile car les dés sont déjà jetés assez rapidement. Bien souvent j’ai entendu des enseignants menacer de punir un élève (alors qu’il aurait dû instaurer un dialogue) et ne rien faire. Ayez de la personnalité et sutout essayez de la définir en quelques mots. Pour ma part, je suis fermement décidée à me faire écouter par mes élèves ou étudiants, qu’ils soient 30 ou 500, et j’emploie tous les moyens pacifistes pour y arriver : déplacement, modulation de la voix, posture, autodérision, etc

13 Un bon professeur écoute les critiques sans se braquer :

Vous devez tout d’abord apprendre à faire la différence entre les critiques constructives et celles qui sont destinées à vous faire du mal.  « Ceci n’est pas quelque chose de personnel. Ne prenez pas les critiques trop à cœur. Si elles vous atteignent vraiment, prenez le temps de répondre en signalant à l’étudiant ou à l’élève que vous l’avez entendu et que vous allez répondre dans un instant. Mais n’oubliez pas de le faire: ce temps que vous vous accorder doit vous permettre de revenir à la normale puis, une fois le calme retrouvé, exprimez-vous.

14 Établissez des règles :

Les règles doivent être claires et au niveau des élèves. Si vous faites signer une charte de bonne conduite, comme je le vois dans bien des collèges, appliquez-la ! Mais ne faites pas comme si cet écrit avait tout résolu en fermant les yeux sur votre public. Il faut être exigeant et bienveillant.

15 Un bon professeur établit une juste distance avec les élèves :

La bonne distance est la suivante: ni copain-copain mais empathique, ni trop éloignée ou autoritaire qui montre en fait que vous craignez les élèves.

16 Un bon professeur montre l’exemple de la curiosité :

La curiosité est une posture qui ne s’invente pas. C’est par l’exemple que vous allez l’inculquer à vos élèves, par la dynamique de vos questions, par votre capacité d’étonnement en regardant les productions. Evitez de dire « c’est magnifique ! » mais plutôt « comment as-tu fait cela ? Et cela ? ».

17 Expliquer aux élèves ce qu’est l’intelligence plastique :

Déjà: posons-nous la question ? Qu’est-ce que l’intelligence plastique ? J’attends dans vos commentaires des idées et pistes de définitions et finirai ce point d’après vos idées. (définir cette intelligence en une phrase dans les commentaires ) Il est important d’être clair avec ses élèves.

18 Un bon professeur reconnaît ses erreurs :

Il m’est arrivé de produire des séquences stériles ! Et bien au lieu de torturer mes élèves avec cette mauvaise idée, j’ai préféré pratiquer de l’autodérision et en les invitant à passer à autre chose. Ayez toujours une solide roue de secours avec vous ! Mais évitez de vous tromper trop souvent car vous perdriez de votre charisme. Pour cela : répétez, répétez et modifiez, perfectionnez votre séquence au fur et à mesure que vous la présentez à vos classes. Les enseignants du secondaire ont la chance d’avoir plusieurs classes de même niveau : ils peuvent perfectionner leurs séquences.

19 Un bon professeur fait vivre des moments démocratiques :

N’imposez pas : faites vivre cette démocratie au sein des débats que vous menez avec vos élèves. Vous pouvez très bien avoir un secrétaire qui notera sur un tableau que vous lui donnerez avec des couleurs ou autre méthode la conduite des élèves. Mais un élève qui n’a pas eu un bon comportement et qui s’est calmé par la suite doit être encouragé. Evitez toujours de terminer un cours sur une situation conflictuelle.

20 Un bon professeur croit en ses élèves et en sa passion qu’il transmet ;

Le professeur est comme un chef d’orchestre même si je crains le terme de chef. Appuyez-vous sur eux par exemple si vous ne maîtrisez pas bien le numérique: ils se feront une joie de vous aider. Donnez leur des responsabilités : même aux plus rebelles. Ceux-ci, reconnus, pourront vous offrir une aide bien précieuse. Mais il est vrai que parfois : le rappel à l’ordre est nécessaire. Mais il doit toujours être fait dans le calme et la détermination pacifiste. Un rappel à la loi placé au bon moment et de manière claire sera toujours bien plus efficace que les plus vifs des cris. Sachez également, qu’il n’est pas nécessaire de résoudre un conflit sur le champ. Vous pouvez faire remarquer à l’élève en lui renvoyant son image sur le champ et en lui demandant pour la semaine suivante de vous répondre sur les raisons de cette conduite négative. Cela peut être placé à la fin du cours.

Votre degré d’amour porté à ce que vous faites est instantanément perçu par les élèves. C’est un fait. Il est important de continuer à s’exercer, s’ouvrir aux nouvelles pratiques pour restés ancrés dans la réalité : l’art évolue très vite. Notre métier nous demande d’être passionnés pour exercer de manière sereine. Mais cette passion peut avoir diverses formes, diverses figures. Il n’y a pas de modèle unique à suivre quand on est passionné: on le vit, on le transmet. Sachez qu’on a des prédispositions mais le talent n’est pas inné: il s’apprend. Un bon éducateur doit aussi aimer la matière qu’il enseigne. C’est de cette façon qu’il pourra transmettre cet amour à ses élèves. Se demander sans cesse comment les élèves ont appris -, découvert ce qu’on voulait qu’ils découvrent (il n’y a pas de recettes), essayer de comprendre ce qui n’a pas été compris, ce qui leur a échappé pour revenir dessus, s’assurer que le contenu de la séquence a bien été compris par ceux-ci.

Tableaux de Picasso sur l’enfance.


La situation problème en arts plastiques

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Tentatives de donner des pistes de réflexion pour mener à bien des situations problèmes:

La situation problème est préconisée dans nos pratiques car elles permettent de mettre en oeuvre une situation d’enseignement où les élèves vont activer des compétences dans le but de résoudre une question posée. Une situation problème n’est pas une question fermée ni une problématique. Les situations-problèmes partent toujours d’une situation motivante créée par l’enseignant en vue de faire acquérir une posture aux élèves. La solution ne sera pas unique mais multiple.

L’étymologie de problème est intéressante à connaître:

Emprunté au latin problema (« problème, question à résoudre »), lui-même emprunté au grec ancien πρόϐλημα, próblema (« ce qui est lancé en avant ou projeté », « obstacle », « promontoire »).

Mais qu’est-ce qu’un problème ?

Un problème dans son acception la plus courante, est une situation dans laquelle un obstacle empêche de progresser, d’avancer ou de réaliser ce que l’on voulait faire. …

Mais qu’est-ce qu’une situation ?

C’est un ensemble d’évènements, de circonstances, des relations concrètes au milieu desquels se trouve quelqu’un. Manière dont une chose, un lieu sont placés par rapport à d’autres choses, d’autres lieux. Une situation renvoie donc à l’idée d’un contexte défini, d’un cadre dans lequel émerge un problème, un obstacle.

Une situation problème ne place pas l’obstacle entre l’enseignant et l’élève mais plonge l’élève dans un état de questionnements, dans une situation questionnante où il émettra des hypothèses pour résoudre à sa manière le problème ouvert.

Une définition

  • La situation-problème est une tâche concrète à accomplir dans certaines conditions qui supposent que les personnes franchissent ou contournent un certain nombre d’obstacles incontournables pour y arriver.
  • La situation-problème est toujours une fiction sous contrôle définis par les choix de l’élève et les dispositifs de l’enseignant.
  • La situation-problème fait partie des outils d’une pédagogie fondée sur l’autoconstruction des savoirs. C’est bien une approche socio-constructiviste. (1)

« Le terme « problème ouvert » a été introduit par une équipe de l’I.R.E.M. 1 de Lyon qui en donne la définition suivante :

– l’énoncé n’induit ni la méthode, ni la solution (pas de questions intermédiaires ni de questions du type « montrer que »). En aucun cas, cette solution ne doit se réduire à l’utilisation ou l’application immédiate des derniers résultats présentés en cours. La quête de solutions plastiques pour répondre à une question est toujours le début d’un problème ouvert.

– le problème se trouve dans un domaine conceptuel avec lequel les élèves ont assez de familiarité. Ainsi, peuvent-ils prendre facilement « possession » de la situation et s’engager dans des essais, des conjectures, des projets de résolution, des contre-exemples. C’est la naissance du conflit socio-cognitif où l’élève devra trouver la clé du problème avec ce dont il dispose: le saut ne doit pas être trop grand.

l’énoncé est  de préférence court et explicite.

« Concevoir l’enseignement des arts plastiques, ancré dans les questionnements et les compétences du programme, c’est penser un dispositif et des conditions de travail qui favorisent la découverte par la pratique de la dimension artistique. C’est aussi élaborer les situations permettant l’explicitation de la pratique et des questions qu’elle soulève par la prise de recul réflexif. » ressources cycles 2 et 3 Eduscol

La différence avec une problématique:

Une problématique n’est pas un problème, mais l’ensemble constitué par un problème général, les sous-problèmes et les hypothèses qui leur sont associés. « Peut-on, comment, en quoi, quelle typologie » : on est de l’ordre de la problématique. La situation problème est plutôt dans le comment ?

Définir un problème: c’est dégager  des équivalences, des traductions, des variations mais aussi parfois des paradoxes, des conflits, etc

Voir : BO. Références aux programmes 2015 (cycle 2) « situations ouvertes », « pratique exploratoire » cycle 3

Liens aux programmes:

Cycle 2 : L’enseignement des arts plastiques développe particulièrement le potentiel d’invention des élèves, au sein de situations ouvertes favorisant l’autonomie, l’initiative et le recul critique.

Cycle 3: Comme au cycle 2, l’enseignement des arts plastiques s’appuie sur des situations ouvertes favorisant l’initiative, l’autonomie et le recul critique. La pratique plastique exploratoire et réflexive, toujours centrale dans les apprentissages, est privilégiée : action, invention et réflexion sont travaillées dans un même mouvement pour permettre l’appropriation des références artistiques qui constituent une culture commune enrichie par la culture des élèves.

Cycle 4: Privilégiant la démarche exploratoire, l’enseignement des arts plastiques fait constamment interagir action et réflexion sur les questions que posent les processus de création, liant ainsi production artistique et perception sensible, explicitation et acquisition de connaissances et de références dans l’objectif de construire une culture commune.

 

La compétence : est la capacité de mobiliser un minimum de ressources (internes et externes) en vue de traiter un ensemble de situations complexes. (internes: savoirs-faire, savoirs-être, stratégies), externes: recours à des documents, aux camarades, aux oeuvres d’art) : c’est l’articulation entre connaissances fondamentales, les capacités, aptitudes à mettre en oeuvre des connaissances , ouverture aux autres, quête de vérités afin d’atteindre un objectif précis dans une situation donnée.

Identifier:

les représentations initiales, les connaissances, les aptitudes, les capacités à mettre en oeuvre.

Demande : qui va aller à l’encontre des préjugés: elle ne doit pas être un problème insoluble !

Exemples de préjugés d’élèves:

partir des préjugés des élèves peut conduire à des situations problèmes intéressantes:

« Une sculpture est toujours pleine, verticale et posée sur une table, sur le sol, jamais dans les airs. » (demande :réaliser une sculpture pour laquelle on dira qu’elle est pleine d’air !)

« Une sculpture est toujours plus importante que son socle « (produire un socle plus spectaculaire que sa sculpture)

« Une peinture a un cadre tout autour de ses bords » (réaliser une image pour laquelle on dira que « tout est vu différemment grâce au cadre!)

« Les couleurs ne changent pas, « (Voici un rouge dont on ne sait pas trop comment il a été fait !)

« Le dessin est toujours plan » (Produire un dessin qui se développera dans les trois directions de l’espace)

etc

Qu’est-ce qu’une situation problème didactique ?

  • une situation d’apprentissage (que l’élève se construit lui-même et avec les autres)
  • ce n’est pas un résultat qui est attendu mais les moyens d’y parvenir
  • c’est le déclenchement d’ une stratégie qui favorise l’engagement de l’élève
  • en arts plastiques elle permet la co-construction de savoirs
  • la situation problème a un but qui permet de mobiliser diverses compétences
  • elle a du sens pour l’élève car elle est connectée à SA réalité.
  • la situation problème augmente la perception de la réalité
  • l’élève doit être capable de présenter sa solution au problème posé ou ses solutions en émettant des hypothèses
  • l’apprenant doit pouvoir vérifier ses hypothèses et les redéfinir si le résultat n’est pas concluant
  • L’élève doit décider si son hypothèse est valide ou non

On voit bien que les situations « à la manière de …  » ne sont pas des situations problèmes et qu’elles peuvent s’avérer être dangereuses ! Le but d’une situation problème n’est pas de formater les esprits des élèves.

BO: « Les élèves explorent la pluralité des démarches et la diversité des œuvres à partir de quatre grands champs de pratiques : les pratiques bidimensionnelles, les pratiques tridimensionnelles, les pratiques artistiques de l’image fixe et animée, les pratiques de la création artistique numérique. Ces pratiques dialoguent avec la diversité des arts et des langages artistiques, par exemple dans les domaines de l’architecture, du design et du cinéma, notamment dans le cadre de projets pédagogiques transversaux ou de démarches interdisciplinaires. »

source EDUSCOL

Analyse du tableau:

 


L’objectif: visé par l’enseignant est toujours l’idée que l’élève va franchir un obstacle en pratiquant et ensuite en le verbalisant de manière collective: en constatant l’ensemble des solutions du groupe : les élèves mettront du sens à leur productions. Tous les travaux doivent être mis ensembles.  La découverte, la structuration, le réinvestissement permettent de voir si l’élève a franchi ces obstacles. La mise en commun et les échanges permettront de franchir les obstacles par l’ensemble de la classe: par capitalisation, mutualisation.

Progression: la situation problème en arts plastiques induit une idée de progression: le problème d’explorations en explorations se complexifie et permet de réinvestir les acquis.

Une question fermée : L’oxygène est-il le seul composant de l’air ?

Une situation problème : La pièce d’arts plastiques est fermée. Nous sommes 20, en combien de temps ne pourrons-nous plus respirer ?

Une énigme : question qui n’a pas forcément de solution. Une énigme est une chose difficile à comprendre. Elle est de l’ordre de l’incompréhensible. Il peut nous arriver de concevoir des situations-énigmatiques que les élèves ne comprendront pas. Une situation problème part du principe que les élèves sont armés (conceptuellement, au niveau de la logique et de la pratique) pour pouvoir y répondre. Exemple:  » ma sculpture prend l’air ». Un élève ne pourra pas comprendre l’implicite dans cette demande. Et bien souvent les jeux d’esprit sont énigmatiques pour les élèves.

Des pistes de réponses concrètes à trouver :

Une situation problème n’est pas un problème réel à résoudre avec une seule réponse possible mais des pistes de réponses concrètes à trouver à des questions ouvertes. Le concret est bien lié à cette situation problème. Le contrat d’expression est un exemple: un objet + une idée = une situation problème. Mais ce n’est pas la seule solution.

Partir des composants plastiques et des représentations initiales des élèves, s’emparer des à priori :

L’espace par exemple: pour définir une situation problème bien concrète, il est important de bien cerner tout ce qui se rattache à l’espace. Il peut être fermé ou ouvert. Ceci doit vous renvoyer le plus rapidement possible à des formes artistiques sur lesquelles vous prendrez appui. Un Moore n’est pas un Michel-Ange. Là, commencent les questions: comment créer de l’ouvert avec du fermé ? Comment créer du fermé avec de l’ouvert ? Mais ce ne sont toujours pas des situations problèmes.

Se poser la question de ce que vont apprendre les élèves : ex: créer une production plastique en trois dimensions qui soit ouverte.

Trouver la bonne demande pour poser le problème ouvert : « RÉALISER UNE PRODUCTION POUR LAQUELLE ON DIRAIT « MA SCULPTURE PREND L’AIR ! ». »

Les élèves seront confrontés à la question de l’équilibre, de la pesanteur, de la structure, de l’ouverture, de la légèreté ce qui peut conduire à l’interdisciplinarité.

Relance de la demande : « Trouve d’autres solutions pour qu’on ait la sensation qu’elle est encore plus aérée ».

Et c’est par les problèmes ouverts que les élèves acquièrent une démarche scientifique pour répondre à ces problèmes.

Ainsi, ils sentent par l’expérience les différences entre un Brancusi et un Moore.

Constantin Brancusi, Le baiser

Henry Moore: Three points

Three Points 1939?40, cast before 1949 Henry Moore OM, CH 1898-1986 Presented by the artist 1978 http://www.tate.org.uk/art/work/T02269

Les obstacles: les élèves ne se sont jamais posés la question, en regardant les sculptures du rôle du vide, du plein, du creux, du saillant. En posant cette question ouverte ou ce problème ouvert, ils vont devoir travailler avec ces paramètres et se forgeront de nouvelles représentations.

L’ambivalence: une situation problème ne doit pas être univoque. Elle doit permettre aux élèves de trouver des pistes de manière intuitive pour conduire au rationnel. La visée de toute situation problème est bien de rendre rationnel une entrée qui à priori n’était pas évidente pour les apprenants.

Le fictif: l’élève doit élaborer son système de fiction (et si ? Et si ?) pour arriver à sa concrétisation. « De même que le simulateur de vol n’est pas un avion, de même, la situation-problème n’est pas un problème réel à résoudre. » (1)

L’auto-construction des savoirs: l’élève doit construire lui-même de manière concrète ses réponses à ce problème. Il est l’auteur de sa réponse et c’est en faisant des hypothèses, en les validant par la pratique qu’il parvient à construire lui-même ses savoirs. Ainsi, la question liée à la sculpture du vide et du plein, de la légèreté, de l’ouverture deviendra naturelle pour lui. Et c’est avec un nouveau regard, cette fois-ci averti, qu’il va regarder les nouvelles sculptures, ses difficultés de réalisation, la prouesse artistique également. Il appréciera un Canova après avoir tâtonné, tandis que sans avoir été confronté à ce problème ouvert, il n’y serait pas spontanément arrivé.

Le sens: Par la confrontation à des problèmes ouverts, les élèves mettent du sens là où ils ne percevaient rien. Donner des tâches à exécuter aux élèves ne leur apprendra rien. En revanche, il est important d’aiguiser leur curiosité par des situations problèmes. C’est leur donner des clés pour trouver du sens à l’art autrement que par le biais de la simple émotion. L’art n’est pas qu’émotion indicible et parfois indéfinissable. Il est langage qui agit sur nos sens et selon des questionnements précis.

Comment c’est fait ? Cette question est importante quand on cherche à mettre en place des situations problème. Qu’est-ce qui taraudait l’artiste ? Pourquoi la Joconde fait-elle toujours autant parler et écrire. Quel était le but ou les buts de Léonard de Vinci ?

Des convictions: monter des situations problèmes c’est avoir confiance en ses élèves: qu’ils pourront déployer bien des stratégies pour répondre à ces questions. Une consigne où figure la réponse à la question reflète un manque de confiance en les élèves. Mais on peut avoir des craintes que les élèves n’y arrivent pas spontanément. Pour cela, il faut s’imaginer plusieurs cas de réponses prossibles en intégrant également l’imprévu et d’être prêt à le recevoir. Nous ne pouvons pas tout prévoir.

Des situations problèmes ou le malin pourrait avoir le dernier mot: « Paysage blanc sur un fond blanc ». L’idée peut paraître géniale mais l’élève paresseux qui rendra feuille blanche devrait avoir 20/20. Cela veut dire qu’il manque un indice à votre situation problème. La consigne est à revoir pour éviter ce genre de réponse qui pourrait être bonne si l’élève a par exemple fait une suite de recherches et achevé celles-ci par une feuille blanche. « Série de trois paysages de plus en plus blancs sur un fonds blancs ». Là, le problème permet de ne pas autoriser les élèves à rendre copie blanche. Celle-ci ne peut intervenir qu’après un processus de recherches.

Comment procéder pour créer des situations problèmes ?

Une posture :

La situation problème est un état d’esprit, un rapport questionnant au réel, c’est une approche active de la réalité concrète avec l’idée qu’elle n’est pas la même pour tous. Cette posture divergente est la clé de voûte des situations de ce genre.

Il y a plusieurs entrées pour créer des situations problèmes mais elles nécessitent trois choses:

« – la volonté d’apprendre quelque chose de précis aux élèves mais de manière non linéaire tout en acceptant l’inattendu. Ne pas attendre des réponses toutes faites.Deux à trois solutions ne suffisent pas pour créer une situation problème.

– une forte conviction que les élèves sont tous capables d’apprendre par eux-mêmes et une volonté de chercher à cerner leur zone proximale de développement, tout en sachant prendre le risque de les mettre en insécurité : » (1) vous pourrez constater au moment de la passation de la consigne un vide sidéral : il y a deux possibilités:

  • soit votre problème est un faux-problème
  • soit les élèves sont en pleine réflexion pour pouvoir le résoudre.

C’est la raison pour laquelle si jamais les élèves ne se lancent pas instantanément dans la recherche, ce n’est pas grave: c’est normal. Ils réfléchissent à la diversité des possibles et vont être amenés à faire des choix. Cette réflexion sur leurs apprentissages se nomme la métacognition. Les situations problèmes favorisent cette manière de penser sur sa propre pensée.

– une grande rigueur dans la définition de la tâche et des conditions d’exécution.

 

L’observation :

C’est en observant ce qui dans une oeuvre d’art peut poser problème à un élève qui va permettre de créer une vraie situation problème.

« Il est nécessaire d’isoler quelques connaissances ou concepts et repérer ce qui peut faire obstacle à la compréhension du phénomène observé ; c’est cet obstacle qu’il faut correctement identifier. Il est souvent utile de le situer par rapport à l’histoire de ces savoirs et les ruptures épistémologiques5 qui s’y rattachent. Cette étude préliminaire permet de lister les paradoxes, les options différentes possibles, les faits qui surprennent, les sujets qui impliquent fortement les élèves. Elle permet également de réunir une base documentaire suffisamment large et pertinente pour que chacun puisse aborder le problème dans sa complexité. » (2)

Pour aller plus loin, cette vidéo sur les décisions prises en situation d’incertitude:

(1)http://www.lmg.ulg.ac.be/articles/situation_probleme.html#ancre741871

(2)http://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/pedagogiques/3477/3477-situationprobleme-techno.pdf

http://slideplayer.fr/slide/1188924/

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Arts_plastiques/62/4/16_RA16_C4_APLA_difference-_probleme-question_DM_625624.pdf


La différence entre exploration et expérimentation ?

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Pas facile de faire la différence entre une exploration et une expérimentation. Le savez-vous spontanément ? Pas moi. A la lecture des programmes officiels, on peut lire tantôt « expérimenter » ou bien alors « explorer ». Un vide sidéral englobe ces deux termes qui n’ont pas la même démarche. On y perd son latin. Dans le même article Programme d’arts plastiques au cycle 3 et 4, on passe d’un terme à l’autre sans aucun éclaircissement.

  1. Analyse du programme du cycle 3 :

Une entrée principale est la suivante:

« expérimenter, produire, créer » 

Comment expérimenter alors que de nombreuses fois le verbe explorer vient expliquer la démarche à suivre ?

Doit-on donc partir du principe que l’expérimentation doit être la clé de voûte de nos séquences ?

L’exploration est le fait de chercher avec l’intention de découvrir, d’étudier quelque chose ou un lieu.

« Le développement du potentiel d’invention et de création est poursuivi. »BO cycle 3 « ils sont conduits par le professeur à explorer les possibilités créatives » « Poursuivant le travail entrepris en cycle 2, les élèves sont engagés, chaque fois que possible, à explorer les lieux de présentation de leurs productions plastiques » (La représentation plastique et les dispositifs de présentation 🙂

L’expérimentation est une méthode scientifique reposant sur l’expérience et l’observation contrôlée pour vérifier des hypothèses.

D’après les définitions, il paraît plus naturel d’être un explorateur qu’un expérimentateur: en effet tous les élèves peuvent-ils émettre des hypothèses ? 

Nous voyons que le terme explorer intervient de nombreuses fois:

« Durant le cycle 3, l’enseignement des arts plastiques s’appuie sur l’expérience, les connaissances et les compétences travaillées au cycle 2 pour engager progressivement les élèves dans une pratique sensible

Que faut-il privilégier dans nos cours ? Le côté chercheur ou celui de la vérification des hypothèses ? 

« Les trois questions au programme sont abordées chaque année du cycle ; travaillées isolément ou mises en relation, elles permettent de structurer les apprentissages. Elles sont explorées à partir de notions récurrentes (forme, espace, lumière, couleur, matière, corps, support, outil, temps), en mobilisant des pratiques bidimensionnelles (dessin, peinture, collage…) »BO

La mise en regard et en espace :

l’exploration des présentations des productions plastiques et des œuvres.  Exploration des divers modalités et lieux de présentation de sa production et de l’œuvre ; rôle du rapport d’échelle.

Enfin arrive une expérimentation: L’espace en trois dimensions : découverte et expérimentation du travail en volume.

Pourquoi le travail en volume serait-il de l’ordre de l’expérimentation et le reste de l’exploration ?

Mais on poursuit et on peut lire :

Exploration des conditions du déploiement de volumes dans l’espace. L’espace s’explore donc aussi !

La matérialité de la production plastique et la sensibilité aux constituants de l’œuvre. 

Expérience, observation et interprétation du rôle de la matière dans une pratique plastique.

Mais on revient à l’exploration avec les matériaux:

« Exploration des qualités physiques des matériaux, des médiums et des supports »

On expérimente alors la matière et on explore les matériaux ?

Ce programme est très flou en ce qui concerne ces deux termes qui définissent des postures bien particulières.

2. Analyse du cycle 4 :

Le cycle 4 commence donc par cette phrase: « Privilégiant la démarche exploratoire, l’enseignement des arts plastiques fait constamment interagir action et réflexion sur les questions que posent les processus de création » 

N’est-ce pas déroutant ? En effet l’exploration n’est-elle pas plus simple d’accès que l’expérimentation où il faut émettre des hypothèses donc avoir les outils conceptuels, logiques et pratiques pour pouvoir le faire ?

Poursuivons:

« Les élèves explorent la pluralité des démarches et la diversité des œuvres à partir de quatre grands champs de pratiques  »

-Expérimenter, produire, créer

« Explorer l’ensemble des champs de la pratique plastique et leurs hybridations »

-La matérialité de l’œuvre ; l’objet et l’œuvre

« en faisant de la matérialité une question à explorer, »

Donc, on expérimente la matière et on explore les matériaux et la matérialité s’explore. Franchement, comment voir clair dans toute cette confusion ?

-L’œuvre, l’espace, l’auteur, le spectateur:

« l’exploration des présentations des productions plastiques et des œuvres » mais plus loin : « L’expérience sensible de l’espace de l’œuvre » « Expérimentation et constat des effets plastiques et sémantiques de la présence du corps de l’auteur dans l’œuvre »

3. Comment trouver une réponse à cette question: faut-il expérimenter ou explorer ?

Si nous n’arrivons pas à être clairs avec nous mêmes, comment les élèves pourront-ils le faire ? Seul l’espace s’expérimente-t-il ? C’est ce qui apparaît quand on met en relation ce qui doit être expérimenté dans les programmes.

4. Vers une définition scientifique d’explorer et d’expérimenter:

Explorer :Du latin explorare (« observer, examiner, explorer »). Parcourir en examinant, en cherchant à découvrir. Lat. explorare, explorer. D’après Pott, plorare serait ici le même que plorare, pleurer, viendrait du radical sanscrit plu, couler, et aurait pris le sens de aller, et, avec ex, aller au loin. On voit que la vue est un paramètre important : explorer serait de l’ordre de la découverte par la vue d’un phénomène nouveau.

Expérimenter: Vérifier par des expériences, apprendre par expérience. Éprouver par expérience. On ne peut se rendre compte de cela sans l’avoir expérimenté.

« Observer, c’est constater des faits qu’on ne modifie pas ou qu’on ne peut modifier. L’astronomie est le théâtre de l’observation. Expérimenter, c’est modifier les conditions des phénomènes pour reconnaître comment ils se passent. Cette différence, aujourd’hui si précise entre l’observation simple et l’observation préparée, n’était aperçue ni au XVIe siècle ni par Descartes. » Littré

Ainsi l’exploration serait beaucoup plus « passive » que l’expérimentation, plus dynamique,  puisqu’il n’y a pas de modification dans l’exploration.

Pour ma part, je suis désemparée de voir comment de jeunes enseignants vont pouvoir distinguer les deux termes avec les postures qu’ils engendrent, le comprenant pas moi même après vingt ans de métier. Mais les rédacteurs de ces programmes ont-ils une vision bien précise de ces deux modes d’action ? Pourrait-on avoir un langage clair, simple et précis pour le confort de nos élèves ?

Ouverture d’un débat sur le forum:

http://danieleperez.forumactif.com/t3-explorations-ou-reinvestissement


La constante macabre

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La constante macabre est de l’ordre du constat: quelles que soit le niveau des copies évaluées par les professeurs: il y aura toujours un tiers de réussites, un tiers moyen et un tiers insatisfaisant. Devant ce constat édifiant, nous devons réfléchir à nos méthodes pour évaluer les compétences afin de ne pas reproduire le même schéma.

Dans les cahiers pédagogiques, un enseignant,André Antibi, a apporté un nouveau sens à ses évaluations : « Ne pas piéger les élèves, accepter la transparence et instaurer un climat de confiance, tels sont les grands principes du système évaluation par contrat de confiance (EPCC) proposé par le conférencier. Cette procédure, qui ne prétend pas être révolutionnaire, consiste à donner aux élèves une semaine à l’avance une liste de questions parmi lesquelles l’enseignant puisera celles de l’examen. Avec l’aide du professeur, les élèves répondent à ces questions et peuvent demander toutes les explications qu’ils veulent. »

Comment procéder en cours d’arts plastiques où les élèves doivent franchir des obstacles à travers des explorations et des expérimentations ? Comment sortir de cette constante macabre sans leur donner de réponses toutes faites ?

L’enseignement en arts plastiques serait-il injuste par excellence ? L’élève est seul face à la situation problème et nous évaluons sa posture face à cette question. Sans tomber dans l’exercice d’application, n’y a -t-il pas des moyens d’exercer notre discipline avec davantage d’équité et d’équilibre ?

Pour ma part, je nommerais ce phénomène la toute-puissance macabre!

Mais selon certains, nous ne serions pas concernés ….

Et vous, reconnaissez-vous dans cette constante macabre ? Comment évaluez-vous vos élèves ?

Danièle Pérez


Un forum pour le blog

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Bonne navigation


Le stade des opérations formelles nécessaire pour enseigner par expérimentation.

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Regardant de près les programmes dans le précédent article à travers le prisme de l’exploration et du réinvestissement, je me suis posée la question suivante: quel est le meilleur moyen pour nos élèves de concevoir un dispositif en arts plastiques compte-tenu de leur développement psychomoteur et qui soit au plus près de leurs attentes ?

Les élèves d’ailleurs sont-ils les mêmes avec un développement identique ?

Pour commencer, je vais longuement citer Piaget où je suis allée prendre des éléments de définition sur plusieurs sites dont son site officiel:

opération concrète

« Une opération est une action matérielle intériorisée au niveau de la représentation mentale. Si l’enfant de niveau sensori-moteur est capable d’actions (emboîter empiriquement, c’est-à-dire par tâtonnements, par essai-erreur, des plots par ordre décroissant de taille ; ajouter un ensemble d’objets à un autre tas), l’enfant de niveau opératoire est capable des mêmes organisations d’objets, et pas du seul point de vue des actions, mais aussi de la représentation (l’action d’ordonner des objets par ordre décroissant de taille sera précédé de la représentation mentale permettant une réalisation, non plus par essai-erreur, mais en choisissant précisément le premier objet à prendre, puis le deuxième, et le troisième… ou encore effectuer une addition mathématique A + B). » (6)

« Elaborées en moyenne entre six et dix ans environ, les opérations concrètes constituent l’une des deux grandes familles d’opérations mises en évidence par Piaget et ses collaborateurs dans leurs recherches sur le développement de l’intelligence représentative chez l’enfant et l’adolescent (l’autre étant composée des opérations formelles). Les opérations concrètes constituent l’ensemble des activités opératoires (classer, sérier, dénombrer, décomposer, composer, etc.) par lesquelles le sujet organise, transforme et conçoit les objets réels (et non pas propositionnels). » ©Piaget

  • Disponibilité pour les apprentissages pédagogiques
  • L’âge de raison
  • Dissociation du réel et de l’imaginaiire
  • Acquisition de l’esprit critique
  • Développement de mémoires
  • L’enfant peut saisir les données invariables : (la mort, notion de propriété, conscience du vol, mensonge, vérité).
  • « La fonction symbolique (ou sémiotique) est conçue « en tant que mécanisme commun aux différents systèmes de représentations, et en tant que mécanisme individuel « 
  • « Vers 6/7 ans, c’est le stade opératoire concret ; l’enfant a la capacité de faire une action en pensée(cf. les problèmes de maths à résoudre : » J’ai 3 billes ; j’en gagne 4 ; combien j’en aurai… ».)
    C’est la période des jeux de règles, et des jeux d’assemblage, même si ces derniers se retrouvent à tous les stades ; prenons l ‘exemple des kapplas :au stade sensorimoteur, le bébé verse, mâche, jette / au stade opératoire l’enfant construit une route ou un mur / au stade formel, il lit un plan et reproduit le modèle… » (3)

opération formelle

« Nous nommerons opérations les actions intériorisées ou intériorisables, réversibles et coordonnées en structures totales » (Etudes d’épistémologie génétique, volume 2, p. 45).
« Les opérations formelles…constituent exclusivement la structure de l’équilibre final vers lequel tendent les opérations concrètes lorsqu’elles se réfléchissent en systèmes plus généraux combinant entre elles les propositions qui les expriment » (La psychologie de l’intelligence, p. 179). ©Piaget

« A 10/12 ans, c’est le stade des opérations formelles : l’enfant est capable de faire des hypothèses et des déductions : anticipation / hypothèses / déduction. Tout ceci est le fruit de la maturité cognitive. » (3)

Du point de vue de la psychologie génétique de Piaget, les opérations formelles ne sont rien d’autre que des opérations sur des opérations concrètes. Ces dernières revenant à classer, à sérier, à dénombrer, à décomposer, etc., les objets de la réalité concrète, les opérations formelles sont alors essentiellement des opérations par lesquelles les sujets classent ou ordonnent les opérations concrètes (avec leur résultat), en faisant du même coup se réunir au sein d’un groupe d’opérations les deux formes de réversibilité de la pensée concrète (à savoir l’annulation, soit par inversion soit par réciprocité, de l’effet d’une opération). La période des opérations formelles (de 10 à 16 ans). » ©Piaget

« Ce n’est que dans ce troisième stade que l’enfant devient capable d’envisager l’exécution sur les objets de véritables opérations mentales, mais ces opérations, comme c’était déjà le cas des actions au cours du stade sensorimoteur, ne peuvent encore être faites que sur des objets visibles, présents dans la réalité qui l’entoure ou, à tout le moins, qui existent dans son champ de conscience immédiat. » (4) Il se montre ainsi capable de réaliser des classifications d’objets selon un puis même plusieurs critères, de sérier des objets le long d’une dimension, d’effectuer des raisonnements transitifs sur des objets qu’on lui présente ou qu’il rencontre.

Cette période est caractérisée par 5 éléments : le passage du concret à l’abstrait, le passage du réel au possible, la prévision des conséquences à long terme, la logique déductive et la résolution systématique des problèmes. Cette période est celle de l’adolescence. Vers 11-12 ans et jusqu’à 16 ans l’individu va mettre en place les schèmes définitifs qu’il utilisera tout au long de sa vie. Alors que l’enfant, jusqu’alors, ne pouvait raisonner que sur du concret, l’adolescent peut maintenant établir des hypothèses détachées du monde sensible. »Wikipedia

 

Tous les élèves de collège sont-ils au stade des opérations formelles indispensables structurellement pour élaborer des hypothèses dans le cadre de nos enseignements basés sur l’expérimentation ?

Si on dit à l’enfant « Il y a un chat à six pattes dans une cour. S’il y a 8 chats à 6 pattes dans une cour, combien y aura-t-il de pattes en tout ?. L’enfant qui n’a pas atteint la maturité nécessaire refusera de comprendre le problème : un chat n’a pas six pattes.

La réalité empirique ou réelle nous amène à refuser l’hypothèse de ces chats à 6 pattes. Mais nos opérations formelles, même si la question est abracadabrantesque, peuvent nous permettre de répondre à cette question.

La question est de savoir si l’enfant est capable d’accepter des prémisses arbitraires pour pouvoir entrer dans le problème.

« En résumé, on admet généralement que trois caractéristiques majeures distinguent la pensée formelle de celle du niveau précédent. Ce sont :

  1. le détachement du réel
  2. la possibilité de raisonner sur des hypothèses

3.la possibilité de situer le réel dans un ensemble de possibilité » (4)

Comment aider les élèves à accéder plus rapidement au stade des opérations formelles ?

Pour déduire avec rigueur il faut :

  1. procéder en conditions idéales, telles que l’expérience immédiate ne peut les réaliser pour arriver à des lois qui ne se vérifieront peut-être jamais mais qui resteront des constructions de l’esprit.
  2. procéder sur des objets idéaux, c’est à dire définis distinctement et d’une manière qui empêche de les confondre avec les objets variables que présente l’observation.

La condition générale et nécessaire pour aboutir à des lois générales est une déduction qui sera d’autant plus rigoureuse qu’elle sera plus formelle. »(1)

Les opérations formelles sont indispensables dans toute construction ou réflexion sur la nature.

Sommes-nous certains que nos collégiens sont tous parvenus dès la sixième au stade des opérations formelles qui peut s’étendre jusque vers les 16 ans ? Cette évolution de l’intelligence conceptuelle doit-elle être prise comme un acquis, un état de fait réel et accompli chez nos élèves ?

Le fait est que l’étude du stade de l’opération formelle reste encore peu étudié. « Les études sur l’acquisition des schèmes formels montrent que rarement plus de 50% des jeunes adultes et adultes atteignent ce stade, ce niveau opératoire formel ».(2)  »

Comment nous, enseignants d’arts plastiques pouvons-nous arriver à faire entrer les pré-ados et adolescents dans des situations d’apprentissages basées sur l’expérimentation sans être sûrs qu’ils ont bien passé ce stade dans le développement de leur pensée ? Comment en 55 minutes par semaine y parvenir ? Comment les y pousser ?

L’exploration semble davantage ancrée dans la réalité qui les entoure et la voie royale pour les amener à entrer progressivement au stade des opérations formelles. Mais là encore, on peut se poser la question du milieu où baigne l’enfant. Le contexte dans lequel il vit n’est-il pas d’une grande importance ? Enseigner les arts plastiques à Paris, avec ses musées, ses expos, ses galeries, ses monuments favorisent ce bain culturel dans lequel l’enfant est plongé.

Les méthodes d’apprentissage:

Il y a deux grandes méthodes:

  • celles qui mettent plutôt l’accent sur l’organisation de l’apprentissage par le sujet lui-même (non empirique)
  • celles qui mettent l’accent sur des paramètres extérieurs par exemple l’expérimentateur (empiriques).
  • Il y a trois méthodes sur l’organisation de l’apprentissage mais celle qui nous intéresse est celle-ci:
  • – la méthode par introduction de conflit qui permet à l’élève de ressentir une insuffisance dans ses schèmes d’assimilation en les rendant contradictoires. L’élève ainsi déstabilisé est poussé pour se construire de nouveaux schèmes de pensées pour dépasser ces contradictions en coordonnant ses instruments de connaissance. Le conflit cognitif peut intervenir soit du du dispositif soit de l’interaction entre les pairs.
  • La seconde relation vise à permettre à l’élève de se construire des questions afin de progresser dans ses apprentissages cognitifs.
  • – Enfin la méthode d’activité libre consiste à proposer un problème sans lui fournir ni indication, ni explication c’est à dire sans aucun retour. Il doit inventer des moyens pour trouver la/les solutions.
  • – La méthode cognitive forcée consiste à donner des solutions, à fournir la solution au problème.
  • Au contraire la méthode didactique consiste à donner les moyens à l’expérimentateur de trouver les solutions. Persée 2005
  • L’évaluation par compétences est une bonne chose, nous dégageant de la note. Mais comment gérer de manière juste l’appréciation du développement psychomoteur chez l’enfant ? Sera-t-il capable de comprendre ce qu’il n’a pas atteint puisque cela touche à son développement interne ? Le stade des opérations concrètes encore bien présentes au collège me laisse penser que l’exploration est davantage appropriée pour le développement de nos séquences avec un réinvestissement qui sera de l’ordre de l’expérimentation permettant ainsi aux enfants ayant atteint le niveau formel de développer leurs potentiels, entraînant avec eux le reste des élèves.
  • « Quand l’adolescent a acquis les opérations formelles au niveau intellectuel : il n’y a plus de différence en terme de raisonnement entre l’adolescent et l’adulte.
    – Le raisonnement hypothético-déductif est le même que l’adulte
    – Ce n’est plus que l’accumulation de connaissances pour l’adolescent
    Il y a une augmentation quantitative mais pas qualitative des connaissances. Le développement se termine à la fin de la vie. » (5)
  • Mes remerciements à La Fondation Piaget qui m’a autorisée à citer de larges extraits de leur site.
  • Je vous recommande de vous informer à la source : sur le site de la Fondation PIaget.

(1) http://www.fondationjeanpiaget.ch/fjp/site/textes/VE/JP24_JugEtRais_chap2.pdf

(2) « Apprentissages des opérations formelles : une recension des recherches  » S.Larivée, F. Longeot, S. Normandeau

(3) https://lesvendredisintellos.com/2013/04/06/conference-sur-le-jeu-laissez-les-jouer/

(4) http://www.loire-atlantique.gouv.fr/content/download/11841/65789/file/Le

(5) http://forum.reunion.free.fr/Psychopedagogie_parmentier_cours_1.htm

(6) http://beatriceprost.free.fr/diachronie.htm

 



Claude dessinant, Françoise et Paloma, 1954, Picasso

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Tout paraît si simple dans cette peinture datant de 1954, si évident, si univoque, si précis et pourtant, elle est si profonde et si riche à condition d’en regarder la facture et pas seulement la composition.

On voit une mère avec son fils et sa fille dans une pièce éclairée par une fenêtre blanche. On peut se dire que Picasso a rapidement peint cette toile qui ressemble à une peinture d’enfant. Les traits sont gauches imprécis. L’ensemble fait plutôt penser à une gravure colorée…. Et pourtant, c’est bien une peinture de haute volée que Picasso nous livre avec Claude dessinant, Françoise et Paloma.

La mère est penchée sur ses enfants, elle les protège et les entoure. C’est un cadre dans l’image où se trouvent d’autres cadres comme la feuille blanche, où dessine Claude. Représentée par un cerne blanc, réserve dans la toile ? Peinture blanche ? Il nous faudrait la voir de près pour connaître la réponse. Mais ce qui est certain c’est que ce cerne définit les formes de la mère. Femme de lumière, dessin éblouissant sortant de l’ombre, elle cisaille la peinture, elle l’entaille pour lui donner une forme. Françoise est un dessin de lumière, une véritable photographie si on se penche sur l’étymologie de ce mot là. La mère est lumière incarnée dans cette peinture. Elle découpe l’ombre pour protéger ses enfants.

La fenêtre lumineuse à droite reprend les structures des tableaux de Vermeer. La page blanche où Claude trace un trait est également une percée lumineuse. Tantôt dessin de lumière, tantôt tracés d’ombre, les formes sont à la fois positives et négatives dans cette peinture qui se révèle à nous comme un cliché dans une chambre inactinique. La mère donne à ses enfants la puissance de ses contours.

Deux aplats de couleur bleue et verte encadrent les enfants. Cette mise en abyme de cadres met en scène le transgénérationnel. C’est l’histoire de la parentalité dont Picasso nous donne les clés dans cette peinture: la mère transmet la forme (cerne, contour) tandis que le père remettrait-il les couleurs (la matière, la vie) aux enfants ? La mère encadrerait, le père également mais de manière plus colorée, plus vivante. La peinture n’est-elle pas par excellence le récit de l’incarnation ?

La peinture devient langage puissant autant que le dessin sous les pinceaux de Picasso. Sa vision de la parentalité transcende la toile: on dirait que l’artiste s’est posé la question : de la transmission et de l’héritage.

Toutes les couleurs sont présentes, les couleurs primaires immatérielles vert et bleu mais il manque le rouge: la couleur du sang et de la passion.

La vie semble comme arrêtée suspendue dans cette toile où la chair ne s’incarne plus.

Dans le gris coloré du sol, une infime présence de couleur chaude redonne de la palpitation à la scène représentée par des couleurs tristes et froides.

En 1953, Françoise Gilot part avec ses enfants à Paris. On comprend mieux les états d’âme de Picasso au moment où il a composé ce morceau de Maître où la parentalité est au centre de ses préoccupations.

 

Comme autre interprétation possible: nous pouvons voir dans ces aplats de couleur la force vitale des enfants, comme l’a fait remarquer un collègue. Mais de qui l’ont-ils héritée ?


L’art est-il responsable ?

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L’art est-il responsable ? Comment se positionne-t-il face à l’actualité ? Ou alors n’est-il qu’un simple divertissement où la seule responsabilité qui lui incombe serait de faire plaisir aux gens ?

Mais qu’entendons-nous par responsabilité ?

Définition de responsabilité : Etymologie : du latin respondere, se porter garant, répondre de, apparenté à sponsio, engagement solennel, promesse, assurance. La responsabilité est l’obligation de répondre de certains de ses actes, d’être garant de quelque chose, d’assumer ses promesses.

Quelles doivent être les promesses de l’art ? Uniquement celle de nous divertir ou alors de nous permettre de sortir grandi, élevé, poussé dans l’exercice de nous mêmes ?

« Comprendre ce que peut recouvrir un art engagé ou politique passe par un examen critique de la modernité et de ce qui se joue dans le passage à l’âge contemporain. La vitalité d’une fonction critique de l’art contemporain ne concerne plus le contenu des œuvres mais leur axe relationnel : une « Adresse » que Sartre a définie comme un pacte d’égalité entre l’artiste et le récepteur. La responsabilité ou l’éthique – artistique est esthétique : elle consiste à construire une place égalitaire pour le spectateur dans l’œuvre. » Adeline Caillet.

Plus loin dans son article, elle cite Jean-Paul Sartre reprochant aux écrivains de ne pas s’être prononcés sur la Commune :

« L’écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu’ils n’ont pas écrit une ligne pour l’empêcher. Ce n’était pas leur affaire, dira-t-on. Mais le procès de Calas, était-ce l’affaire de Voltaire ? La condamnation de Dreyfus, était-ce l’affaire de Zola ? L’administration du Congo, était-ce l’affaire de Gide ? Chacun de ces auteurs, en une circonstance particulière de sa vie, a mesuré sa responsabilité d’écrivain». (1)

Picasso, David, Goya, Banksy, Ernest Pignon-Ernest et tant d’autres ont pris leur responsabilité d’artiste en alertant leur public des dérives possibles.

Je vous invite à relire les articles suivants :

L’art et le politique

Les migrants et l’art

La promesse de l’art est d’éveiller nos consciences, de nous rassembler au lieu de nous diviser, de nous rappeler le passé comme de nous présenter l’avenir. La promesse de l’art est de nous faire sortir grandi et plus apte à décrypter les situations présentes qu’elles soient politiques, éthiques ou esthétiques. Les trois sont intimement liées.

La promesse de l’art est de nous montrer le chemin de la liberté et de la pleine conscience.

Réfléchissons bien.

Performance artistique à Zhengzhou, en Chine

(1)Jean-Paul Sartre, « Présentation », Les Temps Modernes, n° 1, automne 1945.


Les décisions en situation d’incertitude

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Comment réagit notre cerveau lorsqu’on doit prendre une décision dans une situation d’incertitude ?

Cette question concerne l’enseignement des arts plastiques. En effet, plonger un élève face à une situation problème revient à le placer devant une multitude de choix possibles et donc à lui demander de prendre une décision dans l’incertitude. Mais c’est une incertitude positive dont il est question en cours d’arts plastiques car l’élève n’est pas plongé devant un choix cornélien à faire. L’enjeu n’est pas non plus vital. Mais il est intéressant de comprendre le point de vue des neurosciences et des sciences de la cognition en matière de décision.

Valentin Wyart, laboratoire de neurosciences cognitives (retranscription de sa conférence)

Qu’est-ce qu’une décision ?

Plusieurs types de décision : Choix entre plusieurs objets ou actions possibles en fonction de la connaissance dont on dispose sur le contexte du choix et d’objectifs à atteindre, exprimés par des préférences

• Décision microscopique : beaucoup de décisions élémentaires à prendre (ex : décision de précédence entre tâches dans un plan) combinatoire à gérer, critères simplifiés, aspect temporel: elles se déroulent dans le temps.

• Décision macroscopique : un choix de haut niveau parmi quelques alternatives (choix d’un site pour une centrale) pas de combinatoire mais évaluation complexe, statique.

La décision en arts plastiques est à la fois micro et macroscopique !

Prendre une décision c’est choisir entre plusieurs schémas d’actions possibles.

Une bonne décision suppose d’avoir identifié toutes ces possibilités.

Comprendre l’origine de la variabilité des décisions humaines en situation d’incertitude.

« Nous prenons tous des milliers de décisions par jour. Certaines sont très simples et d’autres plus difficiles. Certaines sont prises rapidement et d’autres plus lentement.

On peut tout à fait comprendre que les élèves ne vont pas réagir tous avec la même vitesse. Le temps de cette prise de décision est un temps de travail intense au niveau de la cognition: l’élève mesure, interroge, pense à des solutions, imagine, projette aussi. Devant l’incertitude, certains élèves pourront être perplexes et ne rien rendre dans un premier temps.

Définition d’incertitude : état de quelqu’un qui ne sait quel parti prendre ou état plus ou moins préoccupant de quelqu’un qui est dans l’attente d’une chose qui peut se produire ou non.

Le rôle de la mise en commun après le temps de pratique est de permettre également à ces élèves paralysés face à  l’incertitude, de prendre position. Tout le monde n’est pas leader en matière de décision. Et parfois, les plus rapides ne sont pas les plus efficaces. Il faut savoir laisser à l’élève le temps de cogiter son intention et de se lancer dans l’action.

Pour mesurer cette situation d’incertitude de manière scientifique, on va demander à quelqu’un de combiner des sources d’informations ambiguës voire contradictoires à partir desquelles il va devoir prendre une seule décision.

Les raisonnements probabilistes sont des situations qui mettent en difficulté les personnes à qui on demande de prendre des décisions.

L’apprentissage par renforcement: par exemple des décisions de machines à sous. Par déduction, et répétition, le choix va être fait.

La répétition des situations problèmes va être petit à petit assimilée par les élèves qui ne verront plus cette incertitude comme complexe mais comme un champ de possibles à conquérir.

Des biais cognitifs en situation d’incertitude:

(large variabilité des décisions humaines)

Des biais de confirmation: le sujet va chercher des informations qui vont valider et affirmer sa décision (les algorithmes de Facebook qui vous présentent selon vos goûts des sujets qui pourraient vous intéresser)

Des biais de récences: on a tendance à favoriser une information nouvelle par rapport à une ancienne

Des biais d’optimisme: on a tendance à favoriser les bonnes surprises que les mauvaises. Les bonnes nouvelles ont plus d’impact chez le sujet.

Comment peut-on modéliser une prise de décision ?

par des équations mathématiques on observe les prises de décision et celles-ci les mettent en forme. Puis par des calculs, on est capable de prédire ce que le sujet va prendre comme décision dans une nouvelle situation.

Le but commercial est de prédire les décisions futures des acheteurs. Par exemple Amazon propose des articles en fonction de ce que nous avons consulté sur le site.

Le but scientifique est de comprendre ce qui déclenche telle prise de décision.

Et l’intuition, alors ?

L’intuition suppose beaucoup d’expériences préalables, et une
idée claire de ce que l’on vise

1.Phases d’identification de la décision:

Rassembler l’information extérieure

Faire appel à ses savoirs et expériences

Faire un diagnostic

2.Phase de préparation des solutions :

Imaginer les diverses éventualités

Imaginer les actions possibles

Comparer et évaluer les possibilités

3.Phase de décision et d’action :

Mise en oeuvre de la décision.

Observation du résultat et sa conformité avec la décision

Les neurosciences montrent que dans bien des cas les émotions prennent le dessus dans les prises de décisions dans des situations d’incertitude.

Il est intéressant de remarquer que les sciences s’interrogent sur les prises de décision en situation d’incertitude notamment dans le domaine financier, situations à risques telles que les séismes, et politiques.

Il est intéressant de comprendre ces mécanismes que les élèves vont mettre en oeuvre en ayant présent  à l’esprit qu’une seule bonne décision n’est pas l’objectif visé mais une variété de réponses possibles. Mais ce qui fait la richesse et l’efficacité de ces cours d’arts plastiques est le fait de leur demander de prendre des décisions, de faire des choix dans le domaine de l’action. La récompense de cette décision ne sera pas économique mais « sociale »: le choix de l’élève sera reconnu par ses pairs.

Le problème n’est pas de gérer l’incertitude mais d’apprendre aux élèves de se gérer dans l’incertitude. L’approche socio-constructiviste de nos cours gèrent cela. L’élève sait qu’il n’est pas seul face à ce problème ouvert ce qui relativise le climat incertain. Puis, après avoir traversé quelques situations incertaines, c’est une nouvelle posture que l’élève va acquérir: celle de choisir un « possible » avec la certitude que sa proposition figure dans le champ des « possibles ».

La conférence en vidéo:


Le temps dans l’art

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Le temps passe trop vite pendant les vacances mais lentement pour ceux qui savent le contempler. Etes-vous prêts à égrener la durée dans l’art, le temps d’un article ?

«Trois mille six cents fois par heure, la seconde chuchote: souviens-toi.» Ce vers de Baudelaire pourrait figurer en épitaphe tant l’angoisse du temps qui passe est universelle. L’art sous toutes ses formes (cinéma, photographie, art contemporain) n’en finira sans doute jamais de l’interroger.

Le temps dans l’art est un sujet ardu car vaste et riche. Le temps ce n’est pas seulement une durée, il peut être un instant ou au contraire l’éternité. Le temps c’est aussi le mouvement, la représentation d’un déplacement dans l’espace qui s’inscrit par ce fait même dans le temps. Le temps c’est également la temporalité du récit qui s’installe dans l’image. Le temps c’est aussi l’imprévisible, cet instant indompté qui s’empare de l’image. Le temps est donc protéiforme dans l’art et c’est sous ses différents visages que nous allons l’envisager.

L’éternité et la temporalité éternelle :

L’art égyptien:

Pesée du cœur et de la plume de la vérité, v, 1275 av JC, XIXe dynastie, papyrus d’Ani, papyrus peint, 45x31cm, Londres, British Museum.

Cette fresque se déroule dans deux temps : l’éternité et la temporalité du récit de la pesée.

L’éternité et l’instant :

L’art grec représente pour l’éternité des statues figeant l’instant : le mouvement est saisi dans toute sa beauté du geste.

L’éternité en face à face:

L’art byzantin propose des icônes frontales sans temporalité. Tout est hors du temps renforcé par le fond d’or qui incarne la manifestation du divin. Tout est hiératique et figé dans l’éternité.

L’éternité divine et le temps humain:

Dans les peintures de la Renaissance naît un nouveau genre « les conversations sacrées » où les donateurs sont figurés avec des personnages divins. Van Eyck, en Flandres, en donne un bel exemple dans La Vierge au Chanoine van des Paele

Le temps de l’oeuvre :

Les oeuvres d’art ont leur propre temporalité. Longues dans leur fabrication ou faites dans l’instant, le temps dans l’oeuvre joue son propre déroulement. Ainsi, les oeuvres d’Opalka reflètent-elles au plus près le temps de leur fabrication tel un sablier se dévidant dans le temps.

La fulgurance : l’instant dans l’oeuvre

Lucio Fontana donne un vif coup de cutter dans ses toiles, figuration d’une fulgurance créatrice

L’oeuvre qui montre le temps qui passe:

http://www.humanssince1982.com/work/

Le corps à l’épreuve du temps:

Marina Abramovic réalise une performance où elle reste assise face à un visiteur sans bouger ni parler. Le temps réunit les deux acteurs de cette performance dans un temps suspendu où le corps est mis à l’épreuve.

Le temps qu’il reste :

Gianni Motti : une œuvre de 1999, un compteur géant qui scande seconde par seconde le temps restant à l’humanité, à savoir 5 milliards d’années avant la disparition annoncée du soleil.

 

 

Déchirer le temps:

l’installation Chrono Shredder (2007) de Susanna Hertrich, artiste résidant à Berlin. Elle a imaginé un dispositif, à la fois calendrier et horloge, qui subit une impulsion toutes les 3 minutes, détruisant progressivement le jour présent pour afficher le nouveau, condamné au même traitement. Les jours détruits s’empilent au bas de la structure, symbolisant le passage du temps et l’impossibilité du retour en arrière (l’aspect irrécupérable du papier déchiqueté).

Les rides du temps:

Irina Werning montre le temps à travers la photographie de personnages pris à des âges différents avec la même posture, les mêmes vêtements.

L’étirement du temps:

En étirant les 1h49 initiales en un spectacle ralenti, la projection du film modifiés s’étendant alors sur 24h (2 images par seconde au lieu de 24), Gordon se joue du temps. Par la manipulation du rythme de Psychose, l’artiste crée une dilatation du temps oùchaque geste, chaque clignement d’œil, chaque déplacement remplit l’écran d’une sorte d’éternité. Connaissez vous ces classiques du cinéma qui sont proposés accélérés pour se faire une culture cinématographique de surface ? Vous pourriez peut-être proposer cette antidote au temps long ?

Le clip d’OKGO suit le même principe:

 

D’autres thématiques ici:

https://perezartsplastiques.com/les-notions-dans-les-arts-plastiques/


la composition pyramidale dans l’art

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La composition pyramidale est une composition dont les parties forment un triangle. En général, la base du triangle coïncide avec la partie inférieure du tableau.

Léonard de Vinci dans La Vierge au rocher compose ses personnages dans une pyramide:

Raphaël dans ses madones reprend cette manière de composer les personnages:

Matthias Stom : St Ambroise. Très belle composition pyramidale. Vu de face Le saint écrit, revêtu d’une grande cape blanche, bordée d’une large broderie bleu et or.

Le Radeau de la Méduse par Géricault

Les natures mortes elles aussi obéissent à cette composition classique:

Le Caravage

Même Picasso, bien plus tard composera Guernica selon ce système

« La pyramide d’Andy » par Gianni Colosimo, lors de sa première exposition au Centre Pompidou Metz.

JR jette son dévolu sur l’un de ses symboles, la pyramide du Louvre, et lui fait subir une surprenante anamorphose.

 


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