« vanitas vanitatum et omnia vanitas »
[«Vanité des vanités, tout est vanité.» Écclésiaste, 1.2]
Une vanité est une représentation allégorique de la mort, du passage du temps, de la vacuité des passions et activités humaines. C’est en général sous la forme de têtes de mort, de crânes que celle-ci s’épanouit.Si le thème est très ancien dans le genre pictural, puisqu’on le trouve déjà chez les antiques, il se constitue comme genre autonome vers 1620, à Leyde, en Hollande, pour se répandre ensuite tout au long du xviie siècle en Europe, particulièrement en Flandres et en France. (1)
Jacques de Gheyn le jeune, Vanité (vers 1603). La présence de cette bulle dans la partie supérieure est étonnante : on y voit les reflets d’un soupirail et d’une roue de torture. L’opposition crâne/bulle montre la fragilité de l’existence humaine. Les images qu’on y voit ne sont pas des reflets, mais de purs symboles : en haut à gauche un soupirail grillagé, en bas à droite une roue de torture et une crécelle de lépreux.
Démocrite à gauche désigne des deux mains la bulle en souriant, Héraclite à droite la montre de la main gauche et se tient la tête de la droite, en signe de mélancolie.
La peinture fait des émules. Vingt ans plus tard :
Vanité
Pieter Gerritsz van Roestraten, 1627, Collection privée
Cette fantaisie qui consiste à représenter accrochée à un mur une forme sybilline revient à Piero Della Francesca qui dans La Vierge et l’Enfant entourés de saints et d’anges en 1472 suspend un oeuf au plafond de la scène.
Le genre de la Vanité va petit à petit prendre de la place sur la scène artistique et chez certains se codifier. Ainsi l’association du sablier montrant le temps qui passe avec le crâne fait école.
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Philippe de Champaigne(1602-1674), Vanité.
Mais bien avant, dans certaines peintures de la Renaissance figuraient des crânes au pied de la Croix du Christ.
Peter Gertner (allemand, actif au début du XVIe siècle) 1537 dans sa crucifixion représente un crâne au pied de la croix.
La présence d’une bulle de verre se retrouve dans la composition des photographes Vanité, détail. Photo © Henri Peyre, Catherine Auguste et Florian Besset
La vanité peut être présente dans d’autres mises en scène.
- On voit dans les Ambassadeurs de Hans Holbein, 1533, une anamorphose d’un crâne humain aux pieds des dignitaires.
On voit dans le tableau de Georges de La Tour Madeleine repentante tenant un crâne dans les mains.
«La Madeleine à la veilleuse», huile sur toile ( Hauteur. 156 cm ; largeur. 122 cm) de Georges de La Tour vers 1640-1645, appartenant au Musée du Louvre de Paris (RF 1949-11), photographiée dans la Galerie du Temps au musée du Louvre-Lens où elle est exposée temporairement. - Franz Hals représente un jeune homme dont l’âge contraste avec le crâne qu’il tient dans les mains.
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Gerard Richter perpétue la tradition avec ses peintures sobres sur le thème de la Vanité. La vision est trouble avec le flou qui s’empare de la peinture. « L’art a toujours eu un lien avec la détresse, le désespoir, le désarroi (je songe aux crucifixions du haut Moyen-Age jusqu’à Grünewald, mais aussi aux portraits de la Renaissance, à Mondrian et à Rembrandt, à Donatello et Pollack). C’est un aspect que nous négligeons souvent en extrayant les éléments formels et esthétiques pour les isoler. Nous cessons alors de voir le contenu dans la forme et considérons la forme comme un contenant (comme une belle enveloppe faite avec talent) et un complément qui vaut la peine d’être examiné. Pourtant le contenu n’a pas de forme (comme un vêtement dont on peut changer) mais est forme (qui ne peut pas être interchangeable. »
G. Richter, Notes 1982-83, coll. Ecrits d’artistes -
Schädel
Crâne 1983 55 cm x 50 cm Catalogue Raisonné: 548-1 Huile sur toile - Carina Linge In Lepizig reprend la composition de Richter en la rendant nette et précise.
- La Vanité est un thème repris dans l’art contemporain avec notamment l’utilisation de vrais crânes humains.
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– OROZCO Gabriel (né en 1962), Black Kites, 1997,mine de plomb sur crâne humain, 21,6×12,7×15,9 cm, Philadelphia Museum of Art. les formes géométriques épousent la forme du crâne mais modifient la perception de celui-ci.
Damian Hirst recouvre le crâne de diamants dans For the Love of God en 2007. La réplique est incrustée sur toute sa surface de 8601 diamants. L’œuvre appartient à la famille des Memento mori, type d’art qui rappelle au spectateur sa propre mortalité. La production de l’œuvre a coûté 14 millions de livres à l’artiste. (1)
Jan Fabre recouvre des têtes de mort de cafards. Celle-ci tient un pinceau dans la bouche. L’artiste interroge la peinture comme vanité de l’expression humaine.
Annette Messager compose un crâne sur le mur avec des gants noirs percés de crayon de couleur, une image de la mort pas vraiment terrifiante, renvoyant aux terreurs enfantines.
Ron-Mueck-skulls-antidote propose une installation de crânes géants. Le spectateur est ainsi miniaturisé par ce changement d’échelle et son questionnement sur la vanité des espérances humaines est saisissant.
La vanité continuera d’inspirer de nombreux artistes et elle n’est pas prête de s’arrêter.
D’autres thématiques ici :
(1) wikipédia, vanité article